François-Henri Soulié, Les pirates de Dieu

Complots et pira­te­rie dans l’Empire romain

Dans l’art sub­til de construire des récits avec des élé­ments his­to­riques authen­ti­fiés et une part de fic­tion qui semble réelle, François-Henri Sou­lié excelle. Le roman se déroule à une période par­ti­cu­lière où l’Empire romain, qui règne sur le monde connu, bas­cule d’un paga­nisme mil­lé­naire à un pou­voir tem­po­rel jugulé par un pou­voir spi­ri­tuel des­po­tique. Cette époque n’est pas spé­cia­le­ment bien connue. De plus, les écrits par­ve­nus ne sont pas très objec­tifs. Ces nou­velles croyances com­mencent à faire évo­luer les esprits, les mœurs changent. Il n’est plus ques­tion de sol­li­ci­ter des dieux pour avoir des avan­tages ter­restres. Au contraire, plus les pauvres en bavent et plus ils peuvent espé­rer gagner le para­dis. C’est l’instauration d’une pen­sée unique au pro­fit d’une caste.
L’auteur ins­talle un récit où il mêle des aven­tures, dans un cadre authen­tique, à une intrigue qui oscille entre thril­ler et polar, où meurtres, com­plots et luttes pour défendre ou acqué­rir le pou­voir, donnent le tempo. Ce récit, appuyé sur une docu­men­ta­tion solide, exploite des trous lais­sés par les chro­niques de l’époque.

Ce 5 avril 326 à Hie­rou­salēm, l’évêque Eusé­bios trouve un mes­sage lui pro­met­tant ce qu’il désire le plus au monde. Las, au rendez-vous, il trouve l’auteur du pro­pos assas­siné. Celui-ci porte au front une entaille pro­fonde en forme de pois­son.
À Byzance, la reine Fausta, seconde épouse de Constan­ti­nus, vient de vivre une belle nuit en com­pa­gnie de Cris­pus, le fils de son mari. Ils sont dénon­cés et l’Empereur fait tuer son fils et enfer­mer Fausta avant de se ven­ger. Or, ceux-ci complotaient.

Appius Cae­lius est un pirate heu­reux. Il vient de faire une belle prise. En retour­nant dans leur repaire, Éole se fâche et met le bateau en péril. C’est grâce à son fils Kyros et à son ami Galeo qu’ils évitent le pire. La tem­pête apai­sée, ils font face à la tri­rème com­man­dée par Julius Galba, son ancien com­pa­gnon d’armes devenu son pire ennemi.
Dans le palais, Constan­ti­nus a réuni Eusé­bios tout juste arrivé et Aure­lius, son maître des Offices, pour évo­quer la Pales­tine et prendre les déci­sions qui s’imposent quant à la décou­verte de l’évêque. Mais quand l’Empereur apprend qu’il y a eu cinq cadavres mar­qués du pois­son et que son pré­fet à cer­tai­ne­ment été assas­siné, il prend cela pour un affront per­son­nel et envoie son conseiller enquê­ter à Hie­rou­salēm. Mais si le voyage est épique sur ce bateau où se trouvent réunis quelques per­son­nages de bords bien dif­fé­rents, la suite…

Avec une écri­ture pré­cise, très visuelle, ce récit fait mer­veille. L’auteur sait don­ner une flui­dité à son his­toire tout en livrant une belle des­crip­tion de cette période, de Byzance, de Jéru­sa­lem. Une large par­tie de ce récit se déroule sur un navire, un lieu pri­vi­lé­gié pour un huis clos où tout peut se pro­duire, le meilleur comme le pire. Il a voulu, et cela donne une touche d’exotisme sup­plé­men­taire, conser­ver aux per­son­nages leurs noms grecs ou latins, comme aux topo­nymes.
Après sa tri­lo­gie médié­vale — Angé­lus, Mag­ni­fi­cat, Requiem (Édi­tions 10/18), François-Henri Sou­lié signe un nou­veau polar his­to­rique remar­quable pour son intrigue retorse, ses per­son­nages par­fai­te­ment cam­pés et son souci de pré­ci­sion tant pour les acteurs authen­tiques que pour les lieux.

serge per­raud

François-Henri Sou­lié, Les pirates de Dieu, Édi­tions 10/18, coll. “Polar”, février 2024, 450 p. — 16,90 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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