Jim, Une nuit à Rome — “Livre 2″

Retrou­ver ses vingts ans… A quel prix ?

Raphaël fête ses qua­rante ans avec Sophia, sa com­pagne, et ses amis. Parmi les cadeaux, il trouve un paquet ano­nyme qui contient une cas­sette VHS. Sur celle-ci, une scène vieille de vingt ans où Marie et lui font le ser­ment de pas­ser la nuit de leur qua­rante ans ensemble, à Rome. Mal­gré les dégâts que son geste va occa­sion­ner, il n’hésite pas et part pour le lieu du rendez-vous avec Marie, dont il est encore amou­reux. Et la ren­contre a lieu. Mais que reste-t-il de sa jeu­nesse, de leurs vingt ans, des élans de cette époque ?
Jim pro­pose une superbe et pro­fonde réflexion sur le temps qui passe, sur l’évolution des êtres, des per­son­na­li­tés, sur les chan­ge­ments qui s’opèrent en fonc­tion des ren­contres, des choix à faire… Il ana­lyse l’évolution des sou­ve­nirs par rap­port à la réa­lité, leur impor­tance et les effets d’une nos­tal­gie pour un temps ancien où tout sem­blait pos­sible. À tra­vers son récit, il évoque quelques-unes des ques­tions fon­da­men­tales qui peuvent ryth­mer, séquen­cer la vie d’un indi­vidu. Quel poids faut-il atta­cher aux sou­ve­nirs ? Faut-il reve­nir vers le passé ou se tour­ner vers l’avenir et conti­nuer de construire, vaille que vaille, sa vie avec les par­te­naires du moment ? Il déve­loppe aussi l’éternelle insa­tis­fac­tion de l’être humain qui pense que l’herbe est tou­jours plus verte ailleurs, que les autres ont la meilleure part et qui, en matière d’amour, pense comme Paul Morand : “Elle était belle comme la femme d’un autre.”

Mais l’auteur n’exonère pas son héros d’interrogations, sur le bien-fondé de son coup de tête, des dégâts col­la­té­raux qu’une telle déci­sion engendre obli­ga­toi­re­ment. S’il part de la situa­tion, somme toute assez banale, d’hommes qui quittent leurs femmes, de femmes qui partent, il assor­tit celle-ci d’une réflexion appro­fon­die sur les sen­ti­ments, sur la culpa­bi­lité res­sen­tie : “Est-ce qu’on est condamné à être infi­dèle pour vivre des choses fortes ?” ou “Aimer, est-ce souf­frir inévi­ta­ble­ment ?“
Il illustre son pro­pos d’un des­sin élé­gant, fin, rehaussé de cou­leurs douces, chaudes, fai­sant vibrer la lumière qui baigne tout le récit, géné­rant une atmo­sphère à la fois de gaité et de mélancolie.

Un dip­tyque d’une grande qua­lité par l’originalité de l’idée de base, par son trai­te­ment et le déve­lop­pe­ment de ses impli­ca­tions, par le gra­phisme qui retrans­crit toute la fra­gi­lité des per­son­nages. La numé­ro­ta­tion de l’éditeur avec Cycle 1 (2/2) laisse-t-elle augu­rer d’une suite ? Si oui, quelle suite pour­rait don­ner Jim sans déna­tu­rer sa belle his­toire ? N’y aura-t-il pas redondance ?

serge per­raud

Jim (scé­na­rio, des­sin et cou­leur), Une nuit à Rome, « Livre 2 », Bam­boo, coll. Grand Angle, octobre 2013, 104 p. – 17,90 €.

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