Ce 29 avril 1983, dans un appartement de l’immeuble Sorano, Ophélie, surnommée Folette, voit Maya, sa mère, supplier Richard Vidame, l’homme mandaté pour gérer le budget du couple. Jo, son mari, va rentrer et s’il n’a pas de l’argent pour boire, il va la tuer. Lorsque ce dernier rentre, ivre, il saccage l’appartement pour trouver des sous. Afin de protéger sa fille, elle lui dit qu’elle a 50 francs dans son sac. Elle s’enfuit avec, Jo sur les talons. Folette, avec retard, s’élance aussi sur leurs pas. Mais quand elle les retrouve sa mère est morte, tombée d’une passerelle.
La haine dévore la petite fille qui considère que le coupable est Vidame qui n’a pas voulu secourir sa mère, se réfugiant dans un déni du danger qu’elle courait. Son père emprisonné, elle est accueillie à la Prairie, un orphelinat, par Bénédicte, une éducatrice. Elle partage une chambre avec Nina mais refuse de parler à qui que ce soit jusqu’au moment où celle-ci lui fait un petit cadeau, une boîte à chagrin. Elles vont devenir inséparables.
On les retrouve six ans plus tard alors qu’elles vont faire leur rentrée dans un collège privé que Folette a choisi sans en révéler les raisons. Elle poursuit sa quête, se venger de celui qu’elle considère comme le meurtrier de sa mère. Mais ce n’est pas sans dangers car…
Michel Bussi prête sa voix à une petite fille de sept ans, à une adolescente de treize ans, une jeune adulte de dix-neuf et une adulte de vingt-trois. Autour de son héroïne, à quatre périodes de sa vie, ce conteur hors pair propose une suite de personnages tous construits avec soin, attachants ou détestables. C’est ainsi que l’on suit, pour les principaux, Nina son amie, Béné qui restera près d’elle, mais aussi un ex-gendarme, Lazare, qui va enquêter à sa place, et bien sûr, suivre l’ascension sociale de Vidame. Des protagonistes secondaires tout aussi intéressants vont l’aider ou contrecarrer ses recherches. Les accidents et les morts ne sont pas occultés et quelques proches de Folette vont en faire les frais. Elle va devoir surmonter des situations difficiles, délicates, faire fi de moments de découragement.
Le romancier revient sur des lieux qu’il connaît bien, à savoir la ville de Rouen, qui va servir de décor presque unique à son récit. C’est ainsi qu’il va décrire des points de la ville dans l’époque où il place son intrigue. L’immeuble Sorano existait bel et bien dans l’état dépeint par Michel Bussi, des appartements vétustes. Il a été démoli en 2021.
Il cite la présence des deux jeunes filles lors des Voiles de la Liberté, un événement majeur pour fêter les 200e anniversaire de la Révolution française en juillet 1989. Cette manifestation a eu tant de succès qu’elle se perpétue sous l’appellation de La Grande Armada de Rouen.
Il introduit beaucoup de poésie pour contrebalancer l’aspect difficile de l’intrigue comme ce livre de la mythique collection Rouge et Or qui propose des contes d’Andersen. Une configuration de fenêtres éclairées la nuit du drame dans l’immeuble, comparable à la Grande Ourse, occupe une place importante dans le déroulement du récit.
De plus, le mode narratif retenu par l’auteur donne une dynamique remarquable à cette histoire d’un ton nouveau dans sa bibliographie. Il trouve son titre dans une chanson écrite par Michel Berger, Si maman si, chantée par France Gal.
Une nouvelle fois, Michel Bussi réussit un suspense où il mêle récit initiatique, roman d’amour et d’amitiés, rebondissements jusqu’à un final éblouissant comme il en a le secret.
serge perraud
Michel Bussi, Mon cœur a déménagé, Les Presses de la Cité, janvier 2024, 400p. — 22,90 €.