L’actu

 

© Chris­tophe Ray­naud De Lage

La réédu­ca­tion des sentiments

On com­mence par une adresse au public, qui inter­roge sur le rôle des spec­tacles dra­ma­tiques, sur l’actualité, sur leurs redon­dances et leur arti­fi­cia­lité. Sur le film pro­jeté pen­dant qu’on rap­pelle l’argument, de jeunes per­sonnes se dis­tri­buent des bai­sers pas­sion­nés.  Les paroles pré­sen­tées consti­tuent une réin­ter­pré­ta­tion des per­son­nages de Roméo et Juliette, ainsi que d’Hamlet et d’Ophélie, qui en actua­lise vigou­reu­se­ment le pro­pos.
Les carac­tères sont bros­sés à touches déli­bé­ré­ment gros­sies, si bien que leurs traits appa­raissent saillants, voire cari­ca­tu­raux. En fond de scène, l’agitation est tem­pé­rée par des images sym­bo­liques qui rap­pellent des épi­sodes de la vie de Roméo ou de Juliette sur un mode fan­tas­ma­tique. Pro­gres­si­ve­ment, le rideau s’ouvre, lais­sant se déployer un spec­tacle un peu enchan­teur, comme un sou­ve­nir d’enfance qu’une ambiance techno vient inquiéter.

La fête inno­cente dans laquelle toutes les situa­tions sont tour­nées en déri­sion se mue insen­si­ble­ment en tra­gé­die ; les pro­ta­go­nistes de la ren­contre entre les Mon­taigu et les Capu­let jouent leur rôle avec fré­né­sie, empor­tés par leur propre inté­rio­rité, de sorte que les conflits qui éclatent paraissent irré­pres­sibles. Des meurtres sont figu­rés jusqu’à ce que l’un advienne sous nos yeux ; en dépit de quelques ten­ta­tives d’apaisement, le groupe est exposé au mal­heur qui le consti­tue.
Les pas­sages de Sha­kes­peare sont mêlés à l’écriture d’Elsa Gra­nat, ainsi qu’à d’autres frag­ments célèbres de la lit­té­ra­ture. Une repré­sen­ta­tion baroque, vivante et atta­chante, qui oscille com­pul­si­ve­ment entre déri­sion de la comé­die et déchi­rures de la tra­gé­die : l’ensemble est ori­gi­nal, cocasse et bien senti.

Les fata­li­tés ne sont plus inté­rio­ri­sées comme dans le théâtre antique, mais elles cal­ci­fient les adultes dans leur rage et leur impuis­sance. A terme, il ne reste plus que des êtres en réédu­ca­tion phy­sique et sen­ti­men­tale, diri­gés par les enfants res­ca­pés, ou plu­tôt ren­dus à leur nature angé­lique ; les géné­ra­tions sont enfin alors invi­tées à retrou­ver les sources de leur entente et de leur com­plé­men­ta­rité, même si cela se dit sur scène par des redon­dances qui risquent de signi­fier notre irré­mis­sible impéritie.

chris­tophe gio­lito & anne-laure benharrosh


Les Grands Sen­sibles ou L’éducation des barbares 

d’après William Shakespeare

Écri­ture et mise en scène Elsa Granat

Col­la­bo­ra­tion à la dra­ma­tur­gie Laure Grinsinger

Avec Lucas Bon­ni­fait, Antony Cochin, Vic­tor Hugo Dos San­tos Per­eira, Elsa Gra­nat, Clara Gui­pont, Niels Herz­haft, Laurent Huon, Juliette Lau­nay, Mahaut Leconte, Ber­na­dette Le Saché, Hélène Ren­cu­rel, Edo Sel­lier (guitare)

Et la par­ti­ci­pa­tion du chœur d’enfants du Conser­va­toire de Saint-Denis dirigé par Erwan Pic­quet et de cinq séniors amateurs.

Scé­no­gra­phie Suzanne Bar­baud ; lumière Lila Mey­nard ; son John M. Warts ; cos­tumes Marion Moi­net ; assis­ta­nat à la mise en scène Mathilde Wae­ber ; assis­ta­nat à la scé­no­gra­phie et aux cos­tumes Constant Chiassai-Polin ; chef de chœur Félix Benati ; accom­pa­gne­ment des séniors ama­teurs Laure Gri­sin­ger ; coor­di­na­tion du choeur d’eenfants Tas­sia Mar­tin, Clara Gui­pont, Agathe Per­rault ; construc­tion du décor Alain Pino­chet (Ate­liers du Théâtre de l’Union) ; régie géné­rale et pla­teau Quen­tin Mau­det ; régie son et vidéo Bau­douin Rencurel.

Au Théâtre Gérard Phi­lipe, 59, bou­le­vard Jules-Guesde, 93 207 Saint-Denis Cedex

Du 25 sep­tembre au 6 octobre 2024, du lundi au ven­dredi à 19h30, samedi à 17h, dimanche à 15h, relâche le mardi, Salle Del­phine Sey­rig,
durée 2h30. https://tgp.theatregerardphilipe.com/spectacle/les-grands-sensibles/

Les 16 et 17 octobre 2024, Le Nest – centre dra­ma­tique natio­nal de Thion­ville
Les 6 et 7 novembre, Théâtre de l’Union, centre dra­ma­tique natio­nal, Lmoges
Du 26 au 30 novembre, Théâtre Dijon-Bourgogne, centre dra­ma­tique natio­nal
Du 4 au 6 décembre, Théâtre de Cor­nouaille, scène natio­nale, Quimper

Pro­duc­tion, admi­nis­tra­tion Agathe Per­rault assis­tée de Sarah Baranes – La Kabane ; dif­fu­sion Camille Bard. Pro­duc­tion Com­pa­gnie Tout Un Ciel.
Copro­duc­tion Théâtre de l’Union – CDN du Limou­sin ; Le Grand Par­quet, mai­son d’artistes asso­ciée au Théâtre Paris-Villette ; Théâtre Gérard Phi­lipe, centre dra­ma­tique natio­nal de Saint-Denis ; Théâtre Dijon-Bourgogne – CDN ; Le Nest – CDN de Thion­ville ; Théâtre de Cor­nouaille – scène natio­nale de Quim­per.
Avec le sou­tien de la Région Île-de-France ; du Théâtre des Quar­tiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne ; du Fonds d’Insertion pour Jeunes Comé­diens et Comé­diennes de l’ESAD – PSPBB.

La com­pa­gnie Tout Un Ciel est conven­tion­née par le minis­tère de la Culture (DRAC Île-de-France).

Elsa Gra­nat est artiste asso­ciée au Théâtre Gérard Phi­lipe, centre dra­ma­tique natio­nal de Saint-Denis ; au Théâtre des Îlets – CDN de Mont­lu­çon ; au Théâtre de l’Union – CDN du Limou­sin et au Nest – CDN de Thionville.

Elsa Gra­nat est membre de la mai­son d’artistes La Kabane.

3 Responses to L’actu

  1. lallemant

    Bon­jour,
    bravo pour vos com­men­taires très inté­res­sants et com­plets. Si il existe une lettre je serai heu­reuse de la rece­voir.
    Merci

  2. CLAUDE KOMOROWSKI

    Diffusez–vous une “news­let­ter”?
    Je serais heu­reux de la rece­voir.
    A vous lire. Ami­tiyés C.K

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