Tout sur sa mère
Wajdi Mouawad vient demander l’extinction des téléphones portables : appariteur en mode bouffon, il poursuit avec des remarques plaisantes sur le spectacle. C’est une comédie sentimentale, qui raconte avec beaucoup de dérision l’exil d’une famille fuyant les bombes s’abattant sur Beyrouth dans les années 1980. C’est avec tendresse que l’auteur-metteur en scène dresse le portrait d’une mère affairée, inquiète, protectrice et vindicative, généreuse dans ses excès.
On se prend volontiers d’affection pour les réactions désuètes de cette génitrice trop expansive, souvent invasive, baignant dans une ambiance kitch (les chansons d’Adamo, de Joe Dassin, de Pierre Bachelet, de Nino Ferrer nous plongent dans une atmosphère ouatée, presque doucereuse), dialoguant avec la présentatrice du journal télévisé. Au milieu de ce fatras, Wajdi Mouawad intervient opportunément comme opérateur pour déplacer les meubles ou vérifier quelque agencement du décor.
Ce jeu plaisant est efficace, tant qu’on reste dans l’ordre de la présentation, aussi longtemps qu’on découvre les personnages, tant qu’on porte un regard cocasse sur leur situation. Mais le spectacle s’enlise. Le conteur nous avait habitués à transfigurer les éléments de sa bibliographie en y faisant toujours intervenir des événements dramatiques propres à donner aussi à son propos une dimension tragique.
Las, en voulant nous placer dans la situation de l’attente qui ne cesse de se reconduire, il épuise les procédés qu’il met en œuvre. Par exemple, l’intervention bien sentie de Christine Ockrent, qui littéralement sort du poste, n’a plus d’effet lorsqu’elle est répétée plusieurs fois. En outre, quand l’assistant sur le plateau prend progressivement le rôle du fils, pour entretenir un dialogue fictif avec sa mère, la magie n’opère plus.
Le spectacle se termine donc comme tous les commentaires d’album de famille, dans un ennui pathétique. Le directeur de la Colline, qu’on sait capable du meilleur, trébuche sur l’exercice de style qu’il avait pourtant initié avec brio.
christophe giolito
Mère
texte et mise en scène Wajdi Mouawad
© Tuong-Vi Nguyen
avec Odette Makhlouf, Wajdi Mouawad, Christine Ockrent, Aïda Sabra
en alternance Dany Aridi, Elie Bou Saba, Loucas Ibrahim
et les voix de Valérie Nègre, Philippe Rochot, Yuriy Zavalnyouk
Assistanat à la mise en scène à la création Valérie Nègre ; et en alternance avec Cyril Anrep dramaturgie et conception surtitrage Charlotte Farcet ; scénographie Emmanuel Clolus ; lumières Éric Champoux ; costumes Emmanuelle Thomas ; coiffures Cécile Kretschmar ; son Michel Maurer et Bernard Vallèry ; musiques Bertrand Cantat en collaboration avec Bernard Vallèry ; coach Cyril Anrep en alternance avec Morgane Real ; traduction du texte en libanais Odette Makhlouf et Aïda Sabra ; suivi de texte et surtitrage Sarah Mahfouz ; construction du décor par l’atelier de La Colline.
A la Colline Théâtre national, La Colline — théâtre national
15 Rue Malte-Brun Paris 20e métro Gambetta — sortie 3 Père-Lachaise
01 44 62 52 52 https://www.colline.fr/spectacles/mere-0
du 10 mai au 4 juin 2023 au Grand Théâtre
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
spectacle en français et en libanais surtitré en français durée 2h10
du 22 au 25 février 2023 Bonlieu – Scène nationale d’Annecy
les 29 et 30 mars 2023 La Coursive – Scène nationale La Rochelle
du 5 au 7 avril 2023 Domaine d’O – Montpellier
les 14 et 15 avril 2023 Palais des Beaux-Arts de Charleroi ASBL
Production La Colline – théâtre national
Remerciements à Mario Abi Fram, Lucas Aouad, Roula Badaoui, Büke Erkoç, Jérôme Kircher, Nayla Mouawad et Yuriy Zavalnyouk. Remerciements particuliers aux studios Ferber et à Philippe Rochot.
Odette Makhlouf et Aïda Sabra sont représentées par Station Beirut en qualité d’agent.
Mère a été créé à La Colline le 19 novembre 2021
Le livre Mère paraîtra aux éditions Actes Sud-Papiers / Leméac dans une édition augmentée. Le texte sera également disponible dans la collection “Papiers”.
il demeure d’enverguRe moyenne … juste en deuxième ligne avant la fin de cet article …
bonjour,
correction mise en ligne
merci de votre lecture
cdlmt,
la redaction
Bonjour,
Votre article tombe à pic, merci pour celui-ci, votre site est sympa.
Vraiment …
Votre article est plus jouissif que le film
Votre article fait œuvre de salubrité publique par ces temps où plus que jamais les cuistres essayent de se faire passer pour des penseurs. Quant à la bêtise, “un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire”. C’est l’éternelle histoire de la paille et de la poutre. Merci et… encore !
J. R.
Grand Merci ! Vous nous éviter de perdre un temps précieux ! AMJ
Bonjour et merci de cette critique. Etant l’auteur de “Les animaux parlent”, je me permets d’informer d’éventuels lecteurs ou lectrices (permettez-moi de n’oublier personne…
) de l’existence d’un site web accompagnant le livre. Vous y trouverez quelques extraits (ainsi que des enregistrements, des films…) :
https://mathevon0.wixsite.com/website-2/phoquebarbu
https://mathevon0.wixsite.com/website-2/copie-de-croc
https://mathevon0.wixsite.com/website-2/extraits
Bon voyage sonore !
Nicolas Mathevon