Guillaume Apollinaire, Lettres à sa marraine

Jeanne et son sol­dat bleu

En avril 1915, alors qu’il est sur le front en plein milieu de la guerre, Apol­li­naire, parti au com­bat, reçoit le qua­train pro­met­teur “d’une femme de France”. Il est signé d’un pseu­do­nyme mas­cu­lin : Yves Blanc. S’y cache Jeanne Burgues-Brun, poète et roman­cière rési­dant à Montpellier.

Ces quatre vers deviennent selon Apol­li­naire son “talis­man” pro­tec­teur — même si on sait ce qui lui advien­dra. Mais entre les deux et par ce pre­mier envoi com­mence une cor­res­pon­dance.
Entre cette mar­raine à son filleul de guerre vont s’échanger une soixan­taine de lettres. Le tout non sans pré­té­ri­tion. Car si le poète res­sent un plai­sir à rece­voir les mis­sives, il lui écrit : “j’ai sérieu­se­ment hésité à vous répondre : en ce temps où sévit une lit­té­ra­ture de “mar­raines” et de “poi­lus”, je me suis demandé si notre cor­res­pon­dance affec­te­rait cette allure dont les jour­naux, en regor­geant, décou­ragent, et s’il conve­nait d’essayer ce com­merce au moins inutile”.

Mais très vite les deux cor­res­pon­dants ne résistent pas à la dou­ceur de se lire, et ils prennent plai­sir, elle à rece­voir des marques de ten­dresse et lui “l’agrément de péné­trer un peu un esprit dis­tin­gué comme le vôtre.“
Les mots aimants voire auda­cieux de la jeune femme qui nomme Apol­li­naire son “maître” plaisent à ce der­nier et il répond sans souci des conven­tions habi­tuelles : les deux en esprits éru­dits racontent leur quo­ti­dien, échangent leurs impres­sions sur le conflit, l’époque, le sen­ti­men­tal. Et ils sont sur la même onde avec ce par­tage de la lit­té­ra­ture qui entre eux enri­chissent espoirs et craintes d’une période qui en inflige aux acteurs et témoins.

Pour la pre­mière fois, un tel volume asso­cie les envois de la mar­raine, jusqu’alors tota­le­ment inédits, à ceux de son célèbre «bleu sol­dat de rêve» qui furent publiés, sépa­ré­ment en 1951, ampu­tés de nom­breux pas­sages. Une telle publi­ca­tion répare ainsi une double lacune.

jean-paul gavard-perret

Guillaume Apol­li­naire, Lettres à sa mar­raine, Pré­face et notes de Pierre Cai­zergues, Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, sep­tembre 2023, 112 p. — 21,00 €.

1 Comment

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One Response to Guillaume Apollinaire, Lettres à sa marraine

  1. Villeneuve

    L’union sacrée du ” Maître ” Apol­li­naire et sa roman­cière amou­reuse Jeanne mérite bien publi­ca­tion des envois réunis . JPGP le sou­ligne agréablement .

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