Alain Grousset, Gigante — Au nom du fils

Sur les traces de son fils, un dieu !

Koeb Mer­ti­cant est parti à la recherche des mythiques géants de Gigante, lais­sant der­rière lui une épouse qu’il n’aimait plus. “Cryo­gé­nisé”, il voyage qua­rante ans sur Le Velox. Après un réveil sans inci­dents, le com­man­dant informe tous les pas­sa­gers de la situa­tion, à savoir les pro­grès en durée de trans­ports et la mise au rebut de leur vais­seau dépassé tech­no­lo­gi­que­ment. C’est au contrôle, lorsque le doua­nier prend connais­sance de son iden­tité, qu’il est orienté vers un espace VIP où l’attend le direc­teur de l’aéroport qui l’accueille avec cha­leur. Il apprend, ainsi, qu’il a un fils, Zaslo, devenu l’égal d’un dieu sur Gigante et qu’il béné­fice au titre de père, d’un sta­tut pri­vi­lé­gié. Le len­de­main, alors qu’il peine à se remettre des révé­la­tions et des malaises occa­sion­nés par son nou­vel envi­ron­ne­ment, devant un petit déjeu­ner peu enga­geant, un jeune gar­çon l’aborde. Il se pré­sente comme son petit-fils, Drek Mer­ti­cant, l’enfant de Zaslo et de Madi­lia et veut qu’ils partent, ensemble, à la recherche de son père dont per­sonne n’a de nou­velles depuis treize ans.
Puis, c’est Romanka Per­tiss, une ravis­sante repré­sen­tante de l’Église du Saint-Sauveur, la nou­velle confes­sion conçue autour de Zaslo. Celle-ci monte une expé­di­tion pour retrou­ver des traces du dieu et Koeb doit en être. Com­mence alors, pour ce père, un par­cours ini­tia­tique à la décou­verte d’une pla­nète et d’une famille dont il igno­rait tout. Mais, les moti­va­tions réelles des uns et des autres sont-elles aussi lim­pides qu’elles paraissent ?

Pierre Bor­dage fait décou­vrir le par­cours du fils (Gigante Au nom du père – même édi­teur). Alain Grous­set dévoile le che­mi­ne­ment d’un homme sur les traces de son gar­çon dont il igno­rait l’existence, avec un petit-fils « tombé du ciel » sur une pla­nète qui reste presque entiè­re­ment à décou­vrir. Grâce à un habile jeu de déca­lage dans le temps, les auteurs peuvent déve­lop­per une intrigue inver­sée par rap­port à ce que l’on trouve habi­tuel­le­ment, à savoir un fils sur les traces de son père. L’usage de cet arti­fice n’est pas sans rap­pe­ler Retour à O, le pres­ti­gieux tour de passe-passe ima­giné dans les années 1950 par Ste­fan Wul.
Alain Grous­set met l’accent, comme Pierre Bor­dage, sur l’évolution du per­son­nage prin­ci­pal, sur la décou­verte d’une pla­nète et sur des reli­gieux et leurs mani­gances. L’auteur donne de son héros une image dif­fé­rente de celle pré­sen­tée par son fils. La per­son­na­lité du soli­taire égoïste, de l’aventureux scien­ti­fique, prend une autre dimen­sion. Il expli­cite, sans les cau­tion­ner ni les excu­ser, les rai­sons du départ de son per­son­nage. L’évolution psy­cho­lo­gique est remar­qua­ble­ment menée par un roman­cier qui maî­trise bien la com­plexité de la nature humaine.

La décou­verte de la pla­nète est, cepen­dant, un des axes quelques peu éclipsé au pro­fit du volet reli­gion. Le roman­cier s’attache à mon­trer la créa­tion d’une reli­gion, son évo­lu­tion et, sur­tout, la dimen­sion que lui donnent ceux qui s’autoproclament les dis­ciples, les prêtres de ce nou­veau dieu. La pré­sen­ta­tion de la volonté de ces reli­gieux d’interpréter des écrits et des traces lais­sées par Zaslo, laisse un sen­ti­ment de gêne. D’autant que l’on peut mesu­rer l’écart entre les rai­sons pre­mières et la tra­duc­tion éloi­gnée, voire tota­le­ment erro­née qu’en fait ce clergé. L’exercice est fort réussi et ce texte devrait être lar­ge­ment dif­fusé auprès des fana­tiques de toutes reli­gions pour essayer de les convaincre des mani­pu­la­tions dont ils sont l’objet.
Les romans de Pierre Bor­dage et d’Alain Grous­set peuvent être lus indé­pen­dam­ment, les indi­ca­tions four­nies par chaque auteur per­mettent de suivre faci­le­ment l’intrigue. Tou­te­fois, la lec­ture les deux volumes est pré­fé­rable, en com­men­çant par Au nom du père, car l’action est anté­rieure à celle d’Au nom du fils.

Au nom du fils se révèle aussi pas­sion­nant que l’autre volet de l’histoire. Alain Grous­set pro­pose un roman très agréable à lire, fort bien écrit, avec une intrigue riche en rebon­dis­se­ments et en appro­fon­dis­se­ments psy­cho­lo­giques de toutes natures.

serge per­raud

Alain Grous­set, GiganteAu nom du fils, L’Atalante, coll. « Le Maedre», sep­tembre 2013, 192 p. – 10,50 €.

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Filed under Science-fiction/ Fantastique etc.

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