La prégnance de la démence excellemment restituée par ce huis clos filmique
Le plateau est divisé en espaces qui sont peu à peu investis par les acteurs et les opérateurs de la pièce. Tout commence par un emménagement, un nid de bonheur promis, assombri par des signes qui affectent la femme de la maison. Celle-ci se défait progressivement de son rôle de mère – syndrome de dépression postnatale, que le récit de Charlotte Perkins Gilman (1892) a contribué à faire reconnaître –, sombrant peu à peu dans ses affections mélancoliques. Le plateau est compartimenté, découpé en espaces cloisonnés. Dans chacune des parties de la scène s’élabore un aspect de la représentation : film, fantasmes, voix, bruitages. Des cameramen suivent le personnage principal, dont le corps est dissocié de la voix, produite par une actrice incarnant la schizophrénie de l’héroïne, dans une cabine au centre.
© photos Stephen Cummiskey
Il s’agit donc d’un enfermement. La femme se heurte de plus en plus à ses phobies, qui s’incarnent graduellement dans son environnement. Sur l’écran dominant la scène, apparaissent ses fantasmes, ses hallucinations, ses réminiscences. Les bruits quotidiens de la maison sont amplifiés, parfois mêlés à une musique progressive, donnant à la narration des allures fantastiques. La prégnance de la démence est excellemment restituée par ce huis clos filmique. Mais la mise à distance engendrée par le procédé vidéo éloigne de la dramaturgie. Indéniablement, une construction intéressante et efficace, mais tendant à focaliser l’attention sur la projection, dont les artisans risquent d’apparaître comme les instruments. Du beau travail, dont les rouages risquent de prendre le pas sur la teneur.
christophe giolito
Die gelbe Tapete (Le Papier peint jaune)
d’après Charlotte Perkins Gilman
mise en scène Katie Mitchell
avec Iris Becher, Judith Engel, Cathlen Gawlich, Ursina Lardi,Tilman Strauß, Luise Wolfram et Andreas Hartmann, Stefan Kessissoglou (caméras)
Version anglaise de Lyndsey Turner d’après Charlotte Perkins Gilman ; traduction en allemand Gerhild Steinbuch ; scénographie Giles Cadle ; costumes Helen Lovett Johnson ; cinéaste Grant Gee ; vidéo Jonathon Lyle ; musique Paul Clark ; création son Gareth Fry et Melanie Wilson ; lumières Jack Knowles ; bruitage Ruth Sullivan ; dramaturgie Maja Zade
Production Schaubühne am Lehniner Platz – Berlin, Spectacle créé le 15 février 2013.
Au théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier 75017
Du 20 au 26 septembre, à 20h, durée 1h20.
En allemand surtitré. Le texte de Charlotte Perkins Gilman est publié en version française aux éditions Des femmes en 2007.