Hommage à Douglas Kirkland — 1934–2022
Homme, dit la femme, je te sale la queue et le cul, je les attife de mes hardes. Ton démon je l’excrète par mes larmes. Homme — continue la femme — je te donne à voir l’obscénité de ton âme, je la greffe à ton abdomen couvert de poils afin que bouc tu reviennes à toi.
Je caressais tes cornes dont je suçais le bout. A force, elles ressemblaient au sexe statufié de Victor Noir au cimetière du Père Lachaise. La terre entre tes cuisses tu l’as crue miraculeuse. Tu montrais sans ambages ton membre vibratile pour le faire hameçon. Tu m’as incitée à la renifler et à tordre ma laine. Ton suint dans mon vagin a servi à la fabrication de tes huiles. J’ai dû coucher huit jours avec toi pour fabriquer des hommes qui sortaient tout formés de mon ventre. J’ai copulé dents à dents, yeux dans les yeux. Tout ciel me fut étranger. Pour moitié, je fus ta croupe osseuse et frugale, je fus ton support de râle. Mais à ma décharge — pourvu que tu sois bien axé — on pouvait apercevoir mon joli boudoir, mon lys et ma vallée. Certains y trempaient l’index. Pas davantage. Ils ignoraient que l’antre de la femme en sa corolle propage une chair intarissable.
A Bessans, mon bouc fut ainsi de glaise ou de bois blanc. J’y précipitai des cristaux de sel pour dessiner son rictus et sa queue. C’est ainsi que les fillettes ne craignirent plus pour leur virginité. La mienne, tu me l’as volée mais je suis sortie de ta puanteur. Je me suis arrachée à tes baisers qui avaient emporté ma bouche. J’étais par trop devenue immobile lorsque ton croc se plaçait dans la fourrure de mon sexe.
Désormais, le bleu du ciel de Maurienne soulève la nuit. Je n’existe plus seulement sur la terre étoilée, les pattes repliées sous moi à la façon des bêtes au flanc qui allaitent. Je n’écoute plus les grâces de tes sornettes. Mon ventre est redevenu l’endroit le plus sûr de la terre et n’est plus chargé de tous tes péchés ongulés d’Israël. Tu ne me prendras plus. Du moins pas comme tu le faisais par devant et par derrière si bien que ma féerie en devint suspecte. Ton sexe ne passera plus par le mien, je l’enfile de ma laine. Tu ne connaîtras plus au moment de tes orgasmes mes lamentos de tourterelle dont les restes gouttaient entre mes seins.
Ne te sens plus obligé à la raideur la plus stricte. Souffler sur ma braise avec le jeu de tes yeux au ciel te ferait hystérique pour rien. Encavée je fus : mais déjà je présume pour toi des larmes. Tu m’as laissée pour morte mais ma résurrection, je la travaille encore. Gardienne contre l’illusion de l’aube, je suis moins femme qu’homme. Haute jusqu’au malaise voûté dans les plis de ma robe. Elle donne à mon corps inconnaissable un air de vierge.
Mais les mains que je lie en prière ne sont pas là pour consoler. Je suis la rousse qui sous sa jupe venteuse cache le trésor de toute une réserve ornithologique. En bronze fée, j’entre dans l’album du soir au moment où les crépuscules s’offrent à la pâmoison de la nuit. Comme toi, elle me sauterait bien et ferait de moi son pégase des ténèbres.
Ainsi, intime au jeune novice comme au vieil ange, bois flotté pour buste en tilleul provenant des épaves, je lèvre leur couleuvre d’obscénité. Dans un cloître, je laisse au premier mon crime d’amour et le poignard au second. Juste après que l’éclair brusque de sa lame se soit retrouvé au fond de son propre pli. Patiente j’hante son spectre dont le sexe ressort comme une hernie. Au besoin je valserai sur lui. A perdre haleine.
Je me magnifierai de fard et de rouge à joue comme les vieilles d’Ensor. Maniaque, je décortiquerai sa racine à forme rhumatismale d’un pouce. La fente de ma maison chaude, ses yeux l’absorbent. Je monte à cheval jupon sur le roussin. Son cœur violent prévient sans doute l’autre visage de la fête. Et j’en rirai à me taper l’os le long de la cuisse.
” Du cochon, tu en veux” disait le bouc. Et pour lui je me fis laie. Il aima mon odeur d’aisselles comme il aima les plumes tièdes de ses ex-volailles grassouillettes. Cet ange là, je l’ai vu jurer pour moi ses grands dieux et jouer les amoureux transis. Mais n’est qu’éjaculateur précoce rapidement estourbi. Il lâche trop vite ses flèches et la petitesse de son gland tient du calibre d’un bonbon.
Pour autant, ma terre chaude monte au moins de deux degrés au-dessus de ma température rectale. Une fois repue, elle devient une grosse souche phalliquement indifférente et barbouillée de rouge. Me voici oie blanche ou grue. Pour tout gage, une fois, il m’en a béni. Oui, oui. Il croit tel le Phoenix tenir du prodige et pense que notre accouplement échafaude une structure monumentale. Mais, en dépit de son essor, ses cuisses restent un marais qui porte l’empreinte de mes deux fesses nues.
jean-paul gavard-perret
Photo de Douglas Kirkland
Douglas Kirkland était connu pour cette phrase : « La photographie a toujours signifié imaginer et interpréter des personnes, des lieux et des événements. Je comprends mieux le monde avec un appareil photo. » Evidemment JPGP comprend mieux le monde avec des mots . Bravo aux photos et mots des deux artistes !