La transposition d’un magnifique poème moyenâgeux
Philippe Pelaez s’inspire du poème épique, Orlando Furioso, écrit par l’Arioste entre 1505 et 1516. Il compte, dans son ultime version de 1532 pas moins de 4842 huitains.
Ce poème s’inscrit dans la guerre que se livrent Charlemagne et Agramant, le roi des Maures d’Afrique. Il suit trois principaux fils conducteurs : la guerre entreprise par Agramant, la passion malheureuse de Roland pour Angélique et l’amour du païen Roger pour la chrétienne Bradamante.
Un homme, sur un hippogriffe, parcourt de vastes territoires avant de devoir combattre une troupe de brigands. Vainqueur, il questionne le survivant sur l’origine de son beau cheval. Il appartenait à une dame qu’ils ont enlevée pour la livrer à l’orque dans la Baie du Tombeau. Celui qui dit alors s’appeler Garalt s’empresse de la secourir.
Roland, sans pitié, tranche la tête de l’émissaire qui lui remet la ville et ouvre le temps du pillage, de la rapine, l’heure du sang et de la vindicte. Ivre de rage, il a déjà jeté en pâture Angélique au monstre marin. Aussi lorsqu’il apprend que Garalt, ce guerrier qu’il a tué de ses propres mains, est revenu, sa fureur n’a plus de limites. Qui pourra l’arrêter…
Philippe Pelaez, tout en conservant la triple intrigue a quelque peu élagué dans le poème, celui-ci comportant nombre de personnages secondaires, des rebondissements incessants. Il a resserré l’intrigue, supprimé des protagonistes peu consistants et choisi de se concentrer sur l’affrontement entre Garalt et Roland.
Il donne alors un roman graphique plus sombre que le poème original, oubliant la veine satirique de L’Arioste, pour un cruel réalisme. Il n’hésite pas à représenter des massacres, des montagnes de cadavres sur des champs de bataille. La mort tient la première place avec Garalt qui revient d’outre-tombe, les tueries, les exécutions.
Philippe Pealez accentue le côté fantastique, introduisant une part effrayante. La fée Morgane se transforme en sirène, puis en serpent. Puis apparaît un loup gigantesque, tel que présent dans la mythologie nordique, Roland et son second.
Cependant, il fait vibrer la fureur des héros, la furie de Roland devant son amour bafoué. Ce dernier n’a rien de l’amoureux transi, mais tout d’un ouragan que la vue du sang renforcerait.
En fait, c’est Laval Ng qui est à l’origine du projet. Après avoir réalisé Alter (Drakoo — avril et juin 2020), celui-ci a souhaité continuer à collaborer. Il a proposé l’adaptation du poème épique. Si Philippe Pelaez a assuré le scénario, c’est tout naturellement que Laval NG réalise le dessin, laissant à Tanja Wenisch le soin d’assurer la mise en couleurs.
Il réalise des planches denses aux personnages torturés, multipliant les hachures pour faire ressortir les tourments tant physiques que psychiques des protagonistes. Le réalisme du graphisme est renforcé par un choix de couleurs crues.
Un cahier graphique est fourni, comportant une étude érudite de Théa Piquet, professeure émérite à l’université Aix-Marseille. Elle compare le poème épique Orlando Furioso à la réécriture qu’en fait Philippe Pelaez dans son Furioso. Des esquisses, des crayonnés, illustrent agréablement le texte.
Un premier tome attractif pour sa vision différente du Roland de Roncevaux, servit par un graphisme tonique.
serge perraud
Philippe Pelaez (scénario d’après Orlando Furioso de l’Arioste), Laval Ng (dessins) & Tanja Wenisch (couleurs), Furioso — t.01 : Garalt est revenu, Bamboo, label “Drakoo”, avril 2022, 56 p. – 14,50€.