Une des meilleures propédeutiques à l’œuvre du divin marquis
On sait ce que valent les autobiographies : leur comment dire cache toujours un comment ne pas dire. Et sur ce plan Les Confessions de Rousseau ont donné le “la” au genre. Dès lors, l’autobiographie (posthume) de Sade par Marie-Paule Farina n’est pas plus menteuse que les autres.
Moins peut-être car le glissement du Divin à une Divine permet de lever bien des freins que Sade aurait — même à son corps défendant — activés .
C’est donc une belle idée de la spécialiste que de se glisser dans la peau de son auteur fétiche sans se soucier de prendre des pauses ou comme l’on dit de “faire son intéressante”.
Il est soudain plus libre pour “chanter et jouer la comédie”. La sienne comme celle de son époque.
Certes, devenir prince à la place du prince entraînera de la part de ceux et celles qui — comme Marie-Paule Farina — pensent avoir compris de l’intérieur D.A.F. des résistances — chacun(e) estimant posséder la “bonne” interprétation. Ils, elles pourront chipoter sur la vision de celui qui fut salué pendant sa vie par les prostituées de Paris.
Mais le “je suis comme je suis” qu’offre l’essayiste vaut bien d’autres visions.
Elle met à jour celui qui, comme Rabelais, voulut faire de ses publications “des livres de haute graisse” et, comme lui, dans un esprit pétillant. L’auteure n’a pas hésité pour parachever cette autobiographie à oser des assises empruntées à des héritiers plus ou moins avoués du Marquis. Ionesco, Carroll, Obaldia et Beckett.
Ils permettent d’ajouter une touche de vérité en dictant à Sade quelques maximes ou quelques précisions physiologiques sur ses performances sexuelles l’âge venant. Flaubert — autre figure de proue de Marie-Paule Farina — apporte lui aussi un angle d’approche au Divin Marquis et sa vie jusque dans son théâtre terminal sans public et en pauvreté .
Une telle autobiographie n’est pas plus fausse que les autres. Et nous pouvons rêver d’imaginer Sade lire voire corriger “sa” vérité. Mais, en tout état de cause, l’approche du libertin polémiste, de l’analyste politique est des plus séduisantes.
Elle crée divers types de théâtralisations de la comédie de mœurs et de la tragédie du Marquis.
Marie-Paule Farina a donc su tirer son épingle d’un tel jeu a priori dangereux. Son propos est charmeur. C’est un regard “amoureux” sur l’amoureux multi-partitas et l’athée radical dont la volonté d’en finir avec les tyrans fut si bien comprise qu’ils surent lui en faire payer l’outrance. Cette approche iconoclaste de l’iconoclaste est donc réussie.
“Le précurseur en héritier des Lumières” (Gérard Macé) est là dans une vérité qui en vaut bien d’autres. Certes, rien n’est levé sur l’énigme de son œuvre. Elle reste aujourd’hui encore inassimilable mais cette façon de faire “vivre sa vie” à celui dont les textes demeurent des brûlots demeure une réussite. Voire une des meilleures propédeutiques à l’œuvre du divin marquis.
jean-paul gavard-perret
Marie-Paule Farina, Voilà comme j’étais (autobiographie posthume de Sade), Editions des instants, Paris, 2022, 278 p. — 19,00 €.
Marie-Paule Granès que j’ai connue adolescente toujours rieuse , impertinente avec pertinence , inimitable et charmeuse … bref mon ” amie prodigieuse ” offre avec ” Voilà ce que j’étais ” une autobiographie posthume de Sade dans un style aussi vivant qu’elle-même !
Ouaouh! vive les amies d’enfance. Merci Joseline