Yves Frémion, Images interdites. La censure au XXIe siècle

Rien n’a changé

Yves Fre­mion a com­mencé son tra­vail sur la cen­sure dès les années 70 du siècle der­nier lorsqu’il avait 17 ans avec “Before/Après”, pla­quette publiée par l’équivalent suisse du “Col­lège de pata­phy­sique” : le “Centre de recherches périphériscopiques”.

Il avait décou­vert l’autocensure fran­çaise de cer­tains super-héros qui pre­nait les ado­les­cents pour des demeu­rés. Après le pre­mier tome des Images inter­dites (1989), il a changé de mil­lé­naire en tra­quant tou­jours la bêtise des cen­seurs et leurs “contra­rié­tés” pré­ju­di­ciable à la liberté. Rien n’a changé.
Pire même : le retour de la morale pro­duit des effets néfastes. La poli­tique, la reli­gion pour­suit son œuvre imbé­cile ou dangereuse.

Sous diverses lati­tudes, bien des ostra­cismes demeurent. Bien des lois font ren­trer des oeuvres dans le ghetto du livre inter­dit : le “vice” est tou­jours tra­qué sur le plan sexuel, reli­gieux ou idéo­lo­gique.
Bref ‚l’image (des­sin de presse, illus­tra­tion, BD, cinéma, TV, photo, pein­ture, gra­phisme) reste plus que jamais la cible des rages tota­li­taires. Et plus lar­ge­ment, aucun pays n’est épargné.

Aux cen­sures clas­siques des puis­sants du monde — normes du pre­mier tome — s’ajoutent celles de tous les groupes de pres­sion, déchaî­nés par­fois jusqu’au meurtre. Et les réseaux sociaux n’y sont pas pour rien.
Des mil­liers d’images sont atta­quées, détruites, pro­hi­bées, et leurs auteurs et dif­fu­seurs har­ce­lés, condam­nés voire assas­si­nés (l’ombre de Char­lie Hebdo plane).

L’album réper­to­rie ce qui a cho­qué, irrité ou rendu fou les cen­seurs de tout aca­bit. Mais, au-delà, le livre devient de facto un hom­mage à celles et ceux qui — par­fois au péril de leur vie — défendent la liberté d’expression, osent un éro­tisme qui n’a rien de voyeur ou d’étroit, abordent la poli­tique, engagée.

Yves Fré­mion conçoit et réa­lise une œuvre qui dépasse effron­té­ment son propre pou­voir et toutes les limites per­mises, en s’appropriant les armes de diverses cen­seurs.
Tout chez lui est trans­gres­sion, révolte mais sans vul­ga­rité et avec l’amour des autres et de la vie.

jean-paul gavard-perret

Yves Fré­mion, Images inter­dites. La cen­sure au XXIe siècle, Gal­li­mard, collec­tion Alter­na­tives gra­phiques, 2022, 280 p. — 28,00 €.

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