Jean-Paul Gavard-Perret, Menu d’hélix sires (livre des listes — VII)

Pour déjeu­ner sur l’herbe, la reine des prés et bonne cui­si­nière sait tout ce qu’on peut faire au cas où amour ou amou­rette pas­se­rait par là. Non celle que chan­tait jadis Leny Escu­dero mais celle qui crous­tille dans une assiette pour peu qu’une maî­tresse queue ou une cheffe experte soit aux four­neaux. Couilles d’âne, pré­cieuses non ridi­cules, rou­pettes d’agneau voilà ce qu’il faut pour un serre-vice de choix plus léger qu’étouffe-chrétiens.

L’ama­trice de bonne chère et de char­cu­te­ries cherche le sujet adé­quat. Et aussi de quoi se piquer la ruche et faire son miel quand les abats se font jour. Mais ils ne sont pas les seuls délices que cent son­nets ne suf­fi­raient à chan­ter. Voici le crou­pion de mer­luche, le jar­ret de gre­dine, le pilon d’un pieux pileux, la mie câline d’esturgeons plus ou moins longs, la farine de blé dur ou en herbe, la poi­trine de Port­man, la truite pour meu­nière, une fois ses poils brû­lés la banane flam­bée, l’oeuf à la coque en stock, la poule en stuc, la gol­den de San Fran­cisco, le crois­sant de lune et son beurre, le plat de côtes mais aux seins doux, l’entremet d’Entremont, les jam­bons qui bâillonnent, un peu de l’art don, l’orange méca­nique, le velouté au six troncs, la crête den­telle au sar­ra­sin de cui­sine auburn. Pour les créa­tures atta­blées qui attendent après le pousse-café — et des gri­voi­se­ries dans une ber­ge­rie, et que l’escargot sorte de sa coquille — il faut des viols au vent sans que l’amour s’en aille à la dérive, un ou deux petits Suisses choi­sis dans une boîte de six empê­trés dans leur glu, deux ailes de pou­lette très quel­conque comme en avait l’antique cadu­cée, une gre­nade au corps arabe, à l’esprit juif et à l’âme chré­tienne, des flo­cons d’avoine et d’avanie, des endives de gens bons, une palette à la diable dans les détails, des noix de Saint-Jacques ou d’autres mar­gou­lins de la pire espèce, des tripes cha­ren­taises pan­tou­flardes, des prunes de Cythère, deux joues de porc épique, une langue d’amour pour feu souterrain.

S’en tenir ainsi à l’éruption qui abrège la dis­tance entre le fruit de la femme et l’imposition des mains pour l’incarnation néces­saire dans la frange du concret. Et ce, au moment de faire sienne l’embrasure d’une sau­vage beauté d’agnelle que tout loup veille du bout de son pro­mon­toire dès qu’il se met à table. Attendre alors le temps pro­pice à son esto­cade afin que, dans l’arène des prés, la buti­neuse mesure en s’y four­voyant l’infinité du désordre de la chair fes­tive et des péchés diaphanes.

Jean-Paul Gavard-Perret

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One Response to Jean-Paul Gavard-Perret, Menu d’hélix sires (livre des listes — VII)

  1. Jeanne

    Un café gour­mand en des­sert, gin­jam­brettes et gavar­di­nettes fondantes.

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