Pour déjeuner sur l’herbe, la reine des prés et bonne cuisinière sait tout ce qu’on peut faire au cas où amour ou amourette passerait par là. Non celle que chantait jadis Leny Escudero mais celle qui croustille dans une assiette pour peu qu’une maîtresse queue ou une cheffe experte soit aux fourneaux. Couilles d’âne, précieuses non ridicules, roupettes d’agneau voilà ce qu’il faut pour un serre-vice de choix plus léger qu’étouffe-chrétiens.
L’amatrice de bonne chère et de charcuteries cherche le sujet adéquat. Et aussi de quoi se piquer la ruche et faire son miel quand les abats se font jour. Mais ils ne sont pas les seuls délices que cent sonnets ne suffiraient à chanter. Voici le croupion de merluche, le jarret de gredine, le pilon d’un pieux pileux, la mie câline d’esturgeons plus ou moins longs, la farine de blé dur ou en herbe, la poitrine de Portman, la truite pour meunière, une fois ses poils brûlés la banane flambée, l’oeuf à la coque en stock, la poule en stuc, la golden de San Francisco, le croissant de lune et son beurre, le plat de côtes mais aux seins doux, l’entremet d’Entremont, les jambons qui bâillonnent, un peu de l’art don, l’orange mécanique, le velouté au six troncs, la crête dentelle au sarrasin de cuisine auburn. Pour les créatures attablées qui attendent après le pousse-café — et des grivoiseries dans une bergerie, et que l’escargot sorte de sa coquille — il faut des viols au vent sans que l’amour s’en aille à la dérive, un ou deux petits Suisses choisis dans une boîte de six empêtrés dans leur glu, deux ailes de poulette très quelconque comme en avait l’antique caducée, une grenade au corps arabe, à l’esprit juif et à l’âme chrétienne, des flocons d’avoine et d’avanie, des endives de gens bons, une palette à la diable dans les détails, des noix de Saint-Jacques ou d’autres margoulins de la pire espèce, des tripes charentaises pantouflardes, des prunes de Cythère, deux joues de porc épique, une langue d’amour pour feu souterrain.
S’en tenir ainsi à l’éruption qui abrège la distance entre le fruit de la femme et l’imposition des mains pour l’incarnation nécessaire dans la frange du concret. Et ce, au moment de faire sienne l’embrasure d’une sauvage beauté d’agnelle que tout loup veille du bout de son promontoire dès qu’il se met à table. Attendre alors le temps propice à son estocade afin que, dans l’arène des prés, la butineuse mesure en s’y fourvoyant l’infinité du désordre de la chair festive et des péchés diaphanes.
Jean-Paul Gavard-Perret
Un café gourmand en dessert, ginjambrettes et gavardinettes fondantes.