Lenny Rébéré, Vertigo (exposition)

Absence de présence

Lenny Rébéré trans­fère des verres gra­vés et encrés sur des pan­neaux LED à la lumière tapa­geuse de docu­ments récu­pé­rés par exemple sur une pla­te­forme Inter­net per­met­tant à n’importe qui de prendre une illu­soire bouf­fée d’air.
Ici, sur une plage par un temps gris, balayée par l’objectif d’une caméra de sur­veillance. Des pas­sants y semblent à la dérive d’autant qu’ils sont brouillés par la pixel­li­sa­tion de l’image vidéo. Ils semblent les seuls sur­vi­vants d’un lieu dont l’activité a dis­paru pour cause de Covid. Ce qui — avant — était réel­le­ment vécu s’est éloi­gné jusque dans la représentation.

Et ce que Debord pré­di­sait au siècle der­nier semble se réa­li­ser au moment où un nou­veau réel média­tisé se consomme selon un ordre nou­veau tissé dans une expé­rience visuelle où cha­cun consomme des images désor­mais étranges puisqu’elles contiennent dans leur trop-plein  une sorte de vide.
Ce qui n’empêche en rien qu’une fas­ci­na­tion per­dure tant l’absence de pré­sence est autant pré­gnante que la pré­sence elle-même.

L’expo­si­tion Ver­tigo porte bien son nom. Loin de toute nar­ra­tion, ce cor­pus crée de manière frag­men­taire un reli­quat du réel coupé en mor­ceaux de den­telle optique. Afin d’y par­ve­nir, Lenny Rébéré a amassé une vaste base de don­nées numé­rique.
Il y puise beau­coup de ses sujets qui trouvent ici et en plus un sup­plé­ment  (d’âme ?) par la  sélec­tion de pho­to­gra­phies per­son­nelles des vacances de l’auteur.

Ce double puits montre com­ment la vie des images avance selon une mémoire per­son­nelle et une col­lec­tive. En émanent de troubles indices au sein d’un monde glo­ba­lisé. L’auteur griffe des ciels sur des néga­tifs de pho­to­gra­phies ano­nymes des pre­miers congés payés de 1936.
Le temps semble n’avoir plus de prise dans un mixage et une confu­sion là où les filtres colo­rés donnent un aspect encore plus arti­fi­ciel et déréa­lisé à ce qui est. Pom­peï se rap­proche de notre temps.

Le tout sans négli­ger un appel cer­tain à la beauté cré­pus­cu­laire, entre rêve­rie et mélan­co­lie éro­tique d’un space-age étrange et lumi­neux loin des télé­char­ge­ments que les vidéos por­nos révèlent. Ici, teint sous micro­sco­pie, un sexe fémi­nin offert res­semble à Venise au cré­pus­cule mais comme disait Monet “il serait trop beau pour être peint”.
C’est pour­quoi Rébéré choi­sit de lui faire subir d’autres outrages tel un Midas — sans savoir s’il s’agit du Roi ou du Pro du pot.

jean-paul gavard-perret

Lenny Rébéré, Ver­tigo, Gale­rie Isa­belle Gou­nod, 13 Rue Cha­pon, 75003 Paris, du 20 mars au 24 avril 2021.

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