Richard Millet, Humaine comédie

Du bio­gra­phique ou presque (suite)

Après Jours de Len­teur (chez le même édi­teur il y a 4 ans), Richard Millet fait retour à l’autobiographie mais tou­jours de manière oblique et en tant que haute opé­ra­tion sans laquelle écrire est impos­sible.
Et selon une voca­tion par­ti­cu­lière : “Toute ma vie j’ai eu peur. Peur de vivre, de mou­rir ? Non : pas même peur de moi ni de ces nuages que les vivants passent leur vie à redou­ter. Peut-être la peur est-elle une manière d’attendre, donc d’espoir. Je suis essen­tiel­le­ment un être espé­rant : j’ai la nos­tal­gie de choses qui ont peut-être eu lieu tout en res­tant à venir.”

C’est pour­quoi ici le lan­gage, en se déployant d’un texte à l’autre, impose une forme d’existence étrange selon “un récit qui soit une espèce de salut, et de dam­na­tion, aussi, puisque rivé au lan­gage. ” Pour autant, ici, la nos­tal­gie prend un sens par­ti­cu­lier : elle n’est ni regret, ni retour mais l’attente patiente et apai­sée “de ce dont on a perdu la mémoire.“
D’où l’ambition d’un tel angle d’attaque et d’approche.

A ce titre, Richard Millet pour­suit sa médi­ta­tion et sa vie “parmi les ombres”. Il conti­nue à sa main son diag­nos­tic sur le théâtre du monde en un volume conçu sur le modèle des “Cent nou­velles nou­velles” com­mandé par le duc de Bour­gogne Phi­lippe le Bon qui en fut le dédi­ca­taire.
Ce texte fut  le pre­mier recueil moderne de contes de la lit­té­ra­ture fran­çaise et Millet le trans­forme dans l’oeil du cyclone de notre temps loin du pesant, du solen­nel, du convenu.

Là où la fic­tion res­pire autre­ment, des per­son­nages reviennent d’un texte à l’autre. L’auteur, en inten­si­fiant la langue et la vie, décline des émo­tions aux­quelles il sacri­fie d’autant plus faci­le­ment que la fic­tion dit sur lui comme sur tout écri­vain beau­coup plus que des textes pure­ment auto­bio­gra­phiques.
Ces der­niers éludent un “vou­loir dire” qui cache un “vou­loir (plus ou moins incons­cient) ne pas dire”. Existe donc là un por­tait sub­til en une suite de traits dis­crets. Ils donnent une exis­tence pro­fonde à celui qui, moins qu’un impré­ca­teur, reste en un ingué­ris­sable besoin de com­prendre qui trans­cende les genres lit­té­raires et leurs lois.

jean-paul gavard-perret

Richard Millet, Humaine comé­die, Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2020 , 224 p. — 24,00 €.

1 Comment

Filed under Essais / Documents / Biographies, Romans

One Response to Richard Millet, Humaine comédie

  1. Villeneuve

    Pour connaître au plus que par­fait Richard Millet …Lisez l’article de JPGP !

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