Tels que nous sommes
Chez Raymond Farina toute vie fonctionne entre “l’illusion consentie et la lucidité conquise”. Mais cet équilibre avec le temps est de plus en plus difficile à tenir.
Et le confinement n’arrange sans doute pas les choses. Mais, tel un hussard sur le toit, l’auteur persiste et signe.
A défaut des “merveilleux nuages”, il puise dans “la gloire des poussières” de quoi recueillir ce qui recouvre la vie au fil des saisons. Face à cet état du temps et des lieux, la question de l’humanité est une de fois de plus posée. Mais Farina l’élargit pour “protester” à sa manière face à l’état du monde interprété par son expérience et ses lectures.
Tout se passe comme s’il comprenait que — sans doute au nom de l’angoisse ou de la docilité - nous obéissons sans comprendre combien le masque ne recouvre pas : il déteint sur notre propre psyché et prend sa place.
Néanmoins, Farina anime de manière placide (quoi que…) ce qui fait douter les dieux et affoler les statistique — l’inverse est vrai aussi. Tout cela, pour autant, n’amène pas au paradis : juste des clairières dont le viatique est moindre.
Elles ressemblent “à des Cythères sibériennes / et des Pologne sans retour”.
Le processus d’écriture du poète est là : il réussit à transformer l’insensé où nous baignons — de manière contrariée ou non — loin autant du lyrisme que du minimalisme. La puissance d’une telle poétique tient (souvent) à un humour au second degré voire plus, alccolisé et qui ne se saisit pas immédiatement.
L’auteur ne cherche jamais l’effet gag ou le bon mot. Il tient trop en estime la poésie pour tomber dans de telles facilités ou commodités de la conversation. Il pratique une sorte de réticence froide à laquelle il s’astreint pour donner plus de force à un trajet qu’il précise en une sorte de monologue intérieur — “parti d’où tu n’étais pas”, il conduit “où tu t’éloignes d’où tu n’es pas”.
Entre les deux pôles, ce n’est pas la vie qui résiste mais soi. Le tout pour narguer le destin et passer le temps qui nous est donné dans, non seulement une narration d’équilibre, mais une existence qui pourrait lui ressembler.
Le tout sans illusion mais avec cet humour quasi beckettien qui sauve toujours un peu le peu du peu.
Du moins, tant que cela reste envisageable. Mais sans certification aucune.
jean-paul gavard-perret
Raymond Farina, La gloire des poussières, Editions Alcyone, coll. Surya, Saintes, 2020, 60 p. — 16,00 €.
Les mots de Raymond Farina et Jean-Paul Gavard-Perret se complètent dans une certaine complémentarité et une prodigieuse intimité . ” La gloire des poussières ” est le passage de Terre à Ciel dans l’humilité des GRANDS dont l’apparente sérénité ne fait qu’interroger l’éternité .