Anne Villemin-Sicherman, L’abbé Grégoire s’en mêle

Un artiste vété­ri­naire fin limier…

Avec L’abbé Gré­goire s’en mêle, Anne Villemin-Sicherman pro­pose la cin­quième enquête de son héros favori. Augus­tin Duroch est un artiste vété­ri­naire. Il a été formé à l’École royale de Lyon. Il porte cette appel­la­tion car ces écoles ensei­gnaient l’art vété­ri­naire d’où le titre de ceux qui en sor­taient diplômés.

Sur la route de Paris à Stras­bourg, ce 20 avril 1787, huit pas­sa­gers par­tagent l’espace exigu d’une dili­gence. Parmi eux, Julius de Men­dron veut rejoindre secrè­te­ment Charles-Alexandre de Calonne, ex-ministre des Finances, exilé par Louis XVI dans son châ­teau près de Ver­dun. Il a pour mis­sion, confiée par les ultimes par­ti­sans de Calonne, d’organiser son retour à Paris.
Zal­kind Hour­witz se rend à Metz pour don­ner sa réponse à un concours orga­nisé par l’académie de la ville alors qu’un prêtre se rend au même endroit pour retrou­ver l’abbé Gré­goire qui tra­vaille sur le même sujet.
À cause d’un embour­be­ment, le cocher décide de ne plus faire de pause pour être à l’heure. C’est donc à la for­tune du pot que les pas­sa­gers se res­taurent. Le négo­ciant en vins débouche plu­sieurs bou­teilles. Men­dron remarque qu’il a dû avoir le fond car il sent, sur sa langue et dans son gosier, le râpeux d’une poudre amère. L’homme pense qu’il a eu la lie et lui res­sert à boire.C’est en arri­vant à Metz que les pas­sa­gers, le pen­sant endormi par l’effet du vin, découvrent qu’il est mort.

C’est Augus­tin Duroch, un artiste vété­ri­naire, qui est à l’œuvre pour déter­mi­ner les causes de la mort. Très vite, il détecte un empoi­son­ne­ment, trou­vant des brin­dilles d’if, sur les vête­ments et dans l’estomac. Mais qui a pu empoi­son­ner cet homme sous le regard des pas­sa­gers, poten­tiels témoins. Et sur­tout, pourquoi ?

Augus­tin Duroch com­mence sa car­rière d’enquêteur en 1770 à Metz dans Guet-apens rue des juifs, paru aux édi­tions La Valette en 2014. Parce qu’il pro­fesse des idées nou­velles, il est en butte aux Empi­riques, ce qui donne lieu à de belles joutes tech­niques. Il a épousé Célia et emploie Rosa­lie, une gou­ver­nante qui ne fait pas qu’obéir.
Ce héros, selon la roman­cière, est ins­piré de son père et de son grand-père qui exer­çaient cette profession.

Le pré­sent roman, qui débute dans la ville natale d’Augustin, va se pour­suivre dans toute la Lor­raine. Ce sont les cadres et décors de pré­di­lec­tion de l’auteure qui, ainsi, détaille l’histoire, fort riche d’ailleurs, de cette région à cette époque. Elle fait vivre des per­son­nages de fic­tion, tel son héros, avec une fort belle gale­rie de per­son­nages authen­tiques.
Elle rap­pelle l’existence des grands édiles qui ont œuvré dans la région, expli­cite le fonc­tion­ne­ment des ins­ti­tu­tions. Elle sait recréer avec talent l’atmosphère de cette période, racon­tant une époque qui fas­cine car elle pré­pare le bas­cu­le­ment de la société.

Il en est ainsi de l’abbé Gré­goire, un prêtre qui joue un rôle non négli­geable dans la société lor­raine mais qui impo­sera une figure sociale lors des années de la Révo­lu­tion. Il reçoit l’abbé Adrien Lamou­rette, pas­sa­ger de la dili­gence fatale, qui fut son pro­fes­seur de phi­lo­so­phie. Henri Gré­goire tra­vaille à répondre à un sujet pro­posé par la Société royale des sciences et des arts de Metz :“Est-il des moyens de rendre les Juifs plus utiles et plus heu­reux en France ?
Charles-Alexandre Calonne a été évincé de son poste de ministre des Finances parce qu’il vou­lait mener des réformes fis­cales qui remet­taient en cause des pri­vi­lèges. Ah ! Ces pri­vi­lèges défen­dus bec et ongles en hur­lant à la jus­tice sociale ! (sic)

Si le sujet de l’Académie peut sur­prendre aujourd’hui, la situa­tion des Juifs, fort nom­breux en Lor­raine, était une pré­oc­cu­pa­tion d’esprits éclai­rés. Paral­lè­le­ment à toutes ces don­nées his­to­riques, Anne Villemin-Sicherman tisse une intrigue adroite, sub­tile, bien dans l’air du temps, qui sera, avec nombre de dif­fi­cul­tés, réso­lue par le héros, art roma­nesque oblige !
Il faut noter que ce livre a obtenu le Prix His­to­ria 2020.

serge per­raud

Anne Villemin-Sicherman, L’abbé Gré­goire s’en mêle, Édi­tions 10/18, coll. “Grands Détec­tives”, juin 2020, 624 p. - 9,10 €.

1 Comment

Filed under Pôle noir / Thriller

One Response to Anne Villemin-Sicherman, L’abbé Grégoire s’en mêle

  1. Anne Villemin-Sicherman

    Cher Mon­sieur,
    Je vous remer­cie infi­ni­ment pour cette recen­sion pleine de sub­ti­li­tés que vient de me faire décou­vrir une amie.
    C’est rare de pou­voir béné­fi­cier de tels coups de pouce !
    Je vous en suis très recon­nais­sante,
    Bien à vous,
    AVS
    www.villeminsicherman.fr

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