Milena Jesenská, La dernière lettre (Ravensbrück, 13 septembre 1943)

Une des liai­sons les plus fas­ci­nantes de la littérature

Kafka affirma — comme il l’écrit à Max Brod — que Milena Jesenská était “un feu vivant tel que je n’en est encore jamais vu. Un feu d’ailleurs qui mal­gré tout ne brûle que pour lui. En outre extra­or­di­nai­re­ment fine, cou­ra­geuse, intel­li­gente ; et tout cela, elle le jette dans son sacri­fice.” Née en 1896 à Prague, elle est morte 17 mai 1944 à Ravens­brück en Alle­magne.
Elle est donc connue pour avoir été la des­ti­na­taire des plus belles lettres de Franz Kafka : Lettres à Milena. Son enga­ge­ment, son insou­mis­sion, la force de son œuvre ont été jusqu’ici oubliés sans doute parce qu’elle demeure avant tout la femme aimée par Franz Kafka. Une femme invi­sible et dont les réponses à Kafka ont toutes été per­dues ou détruites.

Leur his­toire d’amour voire leur pas­sion dévo­rante échoua au bout de quelques mois mais demeure une des liai­sons les plus fas­ci­nantes de la lit­té­ra­ture. Mais l’aimée resta un pré­nom  Elle fut pour­tant dès les années 1920 l’une des jour­na­listes tchèques les plus en vue. Elle signa des chro­niques cruelles sur un monde en des­truc­tion.
Fémi­niste, com­mu­niste, résis­tante, elle fut arrê­tée dès 1939 et dépor­tée à Ravens­brück. Elle y ren­con­tra la résis­tante alle­mande Mar­ga­rete Buber-Neumann (pré­sente comme émis­saire dans cette lettre), avec qui elle vécut ce qui fut sa der­nière his­toire d’amour. Mar­ga­rete Buber devien­dra d’ailleurs sa pre­mière biographe.

Cette ultime  lettre est un témoi­gnage poi­gnant eu égard à sa situa­tion phy­sique dégra­dée. Elle réclame à son cor­res­pon­dant de “l’Urotropin (des ampoules sous forme d’injection) et de la glu­cose (aussi en injec­tion) : on m’a donné cette com­bi­nai­son jadis et cela me fai­sait beau­coup de bien. Et aussi quelque chose, je te laisse choi­sir, contre les rhu­ma­tismes”.
L’auteure est si en souf­france qu’elle ne peut plus tra­vailler et d’ajouter : “Aujourd’hui on a besoin de tous ceux qui peuvent tra­vailler et seul celui qui tra­vaille a le droit de vivre, cela va de soi nous sommes en guerre.” Nul ne sait si elle reçut les médi­ca­ments à adresse à “Mar­ga­rete Buber, numéro 4208″. Mais c’est la der­nière trace de celle dont l’énigme se trouve non éclair­cie mais renforcée.

jean-paul gavard-perret

Milena Jesenská, La der­nière lettre (Ravens­brück, 13 sep­tembre 1943), tra­duc­tion de Laurent Mar­gan­tin, Les Edi­tions Der­rière la Salle de Bains, Rouen, 2020 -  5, 00 €.

1 Comment

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One Response to Milena Jesenská, La dernière lettre (Ravensbrück, 13 septembre 1943)

  1. Anne Marie Carreira

    Ce qui est for­mi­dable dans la lit­té­ra­ture c’est que des êtres dis­pa­rus conti­nuent à vivre et que leur his­toire entre pas­sions et souf­frances conti­nuent à nous émouvoir !

    Merci JPGP !

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