Pour Sylvie Leeloo “faire de la photographie, c’est être dans l’instant, être dans un état méditatif. Figer un moment, car l’instant d’après ce qui a été n’est déjà plus”. Dans ce but, la photographe choisit le noir et blanc pour sa subversion intemporelle qui permet d’extraire du réel ce que la couleur dilue. Les êtres sont toujours présents de manière directe ou indirecte. Ils sont toujours saisis avec bienveillance et humour à travers des narrations propres à créer une émotion, une atmosphère.
L’artiste aime souvent jouer avec la litote ou des reflets qui se superposent dans ce qui crée le “changement de direction des ondes lumineuses qui rencontrent un corps interposé”. De la sorte, Sylvie Leeloo propose une hybridation entre le réel et l’irréel dans divers jeux d’ombres et de lumière. Surgit en de telles prises tout un arrière-fond qui soudain apparaît là où un mystère perdure par effet d’empreintes subtiles.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Parfois j’hésite entre rester dans l’ombre pour mieux voir la lumière ou aller vers elle.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Ils se sont envolés, maintenant je rêve d’un autre monde.
A quoi avez-vous renoncé ?
A ma ville natale
D’où venez-vous ?
Des étoiles.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Mon humanité, ma sensibilité.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Un bon accord mets et vin avec de la bonne musique.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres photographes ?
Ma personnalité, mon vécu, ma sensibilité, mon regard, j’y place souvent de l’humain, j’essaie que l’on rentre dans mes photos. Nous sommes tous différents et heureusement.
Comment définiriez-vous votre approche du paysage ?
(Je fais peu de photos de paysages donc je me permet de répondre sur mon travail de prédilection.) La photo pour moi, c’est être dans un état méditatif. J’ai une préférence pour le noir et blanc intemporel, qui me permet d’exprimer des émotions particulières, et d’extraire des atmosphères très différentes.Je souhaite à travers mes photographies, être un révélateur, saisir un instant, une tranche de vie, l’impermanence des choses, je fige cet instant, me disant que si j’en garde une trace, c’est forcément là… ou pas, car l’instant d’après ce qui a été n’est déjà plus, ou différent, l’impermanence des choses par contre est bien réelle.
J’aime également les reflets, la réflexion d’un sujet sur un autre, qui se superposent, se mêlent ou s’entremêlent. Mélange de réel et d’irréel. Ne plus avoir de repères. Jeux de cache-cache avec la lumière, les contrastes, les ombres, pour mettre en avant un sujet plus qu’un autre, afin qu’elles deviennent des formes, des empreintes. Voir au-delà du premier regard, voir ce qui se cache derrière.
Quelle image reflétons-nous ?
On peut se poser la question de l’image que l’on renvoie aux autres, dans notre société où le paraître prime sur l’être. Beaucoup d’entre nous se soucient des apparences, de ce qu’ils reflètent.
Et y a-t-il adéquation entre l’image que l’on reflète et notre essence ?
Alors, regardons au-delà des reflets et des apparences.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
“The Flower Power”, célèbre cliché pris pendant une manifestation contre la Guerre du Vietnam
Et votre première lecture ?
“Le Petit Prince”.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Carmina Burana — Loreena Mckennitt notamment “The Mystics Dream” – du Blues
Quel est le livre que vous aimez relire ?
“La force du Bouddhisme” du Dalaï-Lama
Quel film vous fait pleurer ?
“La ligne verte”.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Un reflet de moi à l’instant T. L’image reflétée est elle bien l’essence de ma personne ?
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A moi même.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Cercle arctique pour les Aurores boréales.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Henri Cartier-Bresson / Brassaï pour l’ombre et la lumière, la nuit / Sebastiao Salgado / Jacques Brel.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
De l’Amour.
Que défendez-vous ?
Le respect au sens large.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Pas d’accord, nous avons tous de l’amour a donner et nous en avons tous besoin.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Ne pas se perdre dans de longs discours pour garder en tête l’origine de l’échange. Simplement, écouter réellement l’autre, ne pas se disperser, être centré.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Pourquoi faites vous de la photographie ? Échapper au quotidien, se recentrer, ne plus penser qu’à l’instant présent et mieux s’ouvrir au monde. C’est le moyen de laisser libre cours à ma créativité et ma fibre artistique.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 25 janvier 2020.
” Échapper au quotidien, se recentrer, ne plus penser qu’à l’instant présent et mieux s’ouvrir au monde. C’est le moyen de laisser libre cours à ma créativité et ma fibre artistique. ” Vous l’avez si bien donnée cette réponse à la dernière question non posée que j’en suis éblouie et nourrie chère Sylvie de mon pays .