Angèle Casanova & Jacques Cauda, Terre creuse

L’envers et l’endroit

Il arrive que les secrets ni se secrètent ni n’induisent que des sup­pu­ta­tions. Ils se peut qu’ils sup­purent, c’est pour­quoi les cacher sous des gru­meaux de pein­ture ne suf­fit pas. De la peau suinte un sale air de la peur.
Angèle Casa­nova ne fait à ce titre pas for­cé­ment dans l’angélique. Et les secrets mou­tonnent plus coté cau­che­mar que rêve. Le pre­mier sou­lève l’auteure. Il est vrai aussi légère sinon qu’une plume — avec ces 41 grammes d’âme — du moins qu’un coli­bri. Tou­te­fois, ses secrets la plombent et écrire devient pour elle un moyen d’exprimer, en des suites de tableaux pari­siens, ce qui ravit Cauda mais pour une fois de manière noire.

Le Killer aime les his­toires de pou­pées bri­sées. Qu’elles soient vraies ou fausses, de por­ce­laine ou port de laine, gigognes ou girondes ne lui importe pas. Mais, tou­te­fois ici, ses des­sins se font bien plus sombres et moins lestes que par­fois : la voie n’est pas rose à qui traîne sur des secré­taires ou des tapis que la vie perce.
En quelques thé­ma­tiques clés (pein­ture, secret, pou­pée, porte, den­ti­frice, …) sur­gissent, sans appuyer, des presque rien qui font un tout. Mais Angèle Casa­nova n’est pas de celles qui se lamentent et ses his­toires de fan­tômes — plu­tôt que de faire le tri sélec­tif des choses qui pour­raient la bles­ser — rêvent de créer des bêtes à deux dos que Cauda se serait fait un malin plai­sir de dessiner.

Mai,s sans qu’une porte — comme une bouche - soit for­cé­ment ouverte ou fer­mée, “ça suit son cours” comme disait un héros de Beckett là où — dans un uni­vers à la Lang (Fritz pas Jack), et  comme Cauda le rap­pelle, tout s’arrime entre une angoisse et un sen­ti­ment d’existence sur lequel il n’est pas facile de mettre un nom mais qui consti­tue le charme pro­fond du livre.
L’héroïne peut y crier pour nous, les mutiques, afin que nous puis­sions gueu­ler avec les autres. Sans doute parce qu’elle est plus vivante que nous. Elle creuse, creuse comme jadis For­rest Gump cou­rait.  Et de la terre  matrice et caverne jailli­ront peut être un peu moins les monstres et leur rouge sang.

Pour autant, le che­min reste long. C’est beau et envoûtant.

jean-paul gavard-perret

Angèle Casa­nova & Jacques Cauda, Terre creuse, Z4 édi­tions, 2020, 110 p. — 14,00 €.

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