Il existe beaucoup de douleurs en cette suite de scènes où la femme reste la victime et presque bourreau d’elle-même. On l’estimerait consentante à lire trop rapidement ce livre tant elle est prête à tout accepter. L’infidélité. Les départs. “Après l’amour elle essuie les restes”.
L’oeuvre de l’Italienne devient une histoire de failles intimes et de tous les jours sans pathos là où le texte joue de deux registres graphiques et introduit bien de l’air entre les mots espacés. Car la vie en manque. Ou parce que chaque vocable crée un choc : il faut attendre avant de reprendre le fil.
Et c’est là un petit miracle de l’écriture qui, chez Silvia Marzocchi, semble avoir été là depuis l’enfance. Mais ici la création n’est plus la trace des rêves de ce temps même si la narratrice ne cesse de vouloir y croire contre les évidences que sa lucidité souligne. Dans le jeu des contraire : “Il est fort c’est écrit elle l’abandonne reste sans objet”. Dès lors, tout se répète dans l’espoir d’une note bleue.
Mais cela ne suffit pas , le corps ne peut se reposer dans un autre. La femme possède pour tout viatique amour et chagrin. Mais elle tient. “C’est la vie disait Maman”, écrit-elle avant de reprendre, recommencer se perdre tant “le fini nous rend mélancolique.”
Face à cet état de fait, il ne s’agit pas de juger mais de poursuivre tant bien que mal. Et c’est là que la littérature possède tout son intérêt. Le sexe se réveille encore pour l’un, l’amour pour l’autre : cela n’est pas pour autant un presque tout mais un pas grand-chose.
De tels parcours montrent comment la vie suit son cours là où jouir à deux se perd dans la neige des jours. Le corps ni ne s’éteint ni se laisse vivre. Il flotte sur les draps. Reste un entre-deux et d’eux avant que l’écriture seule guide la main, à tâtons. L’érotisme devient un rêve.
La femme ne peut qu’exister dans une région autonome depuis toujours. L’écart ne cesse de grandir entre l’absence de l’autre et sa tension. La passivité oblige. A l’écrire. Comme pour survivre.
A qui s’adresser sinon à soi-même ? semble dire la narratrice et de prendre à témoin celles et ceux qui sont en dehors de ce cerle vicié où beaucoup de femmes (et d’hommes) pourront se retrouver.
jean-paul gavard-perret
Silvia Marzocchi, Scènes d’intérieur, Lanskine, Paris, 2020, 48 p. — 13,00 €.
Ah ! La magie des mots !
JPGP a le don de nous toucher par ses écrits et nous faire souvent sentir en union avec la narratrice et les protagonistes !