Christian Prigent, Point d’appui 2012 — 2018

Les voies de la poé­sie et du dis­cours sont impénétrables

Le titre du livre peut se lire de deux façons. Se pré­sen­tant sous forme de jour­nal, il répond d’abord à la for­mule de Khelb­ni­kov que l’auteur cite : « Nous avons besoin de point d’appui, c’est-à-dire de jour­naux intimes ». Mais ce titre peut tout autant se lire de manière “néga­tive” : à savoir que pour se cher­cher il n’existe aucun appui. L’homme doit plon­ger dans son abîme.
Tel est l’enjeu d’un livre où se mêlent rêves notés le matin même, des pen­sées du jour, des anec­dotes comiques, des cri­tiques de films et de livres, des sou­ve­nirs, des visions mais aussi des poèmes, des inter­ludes (« haïku pour rire, mir­li­to­nades fastoches »).

Car tout est bon dans une telle poli­tique de l’humain — ou sa dérive. Nous sommes pla­cés  tout autant dans le garage que l’atelier lit­té­raire de celui qui face — et comme Blan­chot–  au “désoeu­vre­ment dépres­sif”, plu­tôt que cher­cher des “punch lines” explosive,s crée une écri­ture en patch­work car là où , dit-il, “‘l’alternance fait rythme, une archi­tec­ture émerge”.
Existe ici une vraie liberté dans des varia­tions quelque peu far­cesques. S’analysent divers types de lec­ture et de pré­hen­sion qui échappent au sys­tème de la mode et à celui du com­passé d’un récit lit­té­raire ou d’un repor­tage romancé.

Pour Prigent, les voies de la poé­sie et du dis­cours sont plus impé­né­trables qu’il n’y paraît. Elle passe en ce livre par la genèse des formes et leur sys­tème. Et ce, à tra­vers diverses pistes. Elles se démul­ti­plient en dis­so­nances essen­tielles. Le ton n’est pas tou­jours sérieux.  Car, comme limité par le temps, l’auteur quel­que­fois opère par simples asser­tions, qui peuvent se lire alors comme les débuts de cha­pitres man­quants.
Mais ces brefs dis­cours sont plus solides que l’auteur veut le faire croire. Poèmes pro­saïques récits digres­sifs ou hété­ro­gènes, films dan­sants, lec­tures retra­cées plaident pour une ima­gi­na­tion tech­nique qui semble négli­gée mais qui ne l’est en rien. Tant s’en faut.

jean-paul gavard-perret

Chris­tian Prigent, Point d’appui 2012 — 2018, P.O.L édi­teur, Paris, 2019.

1 Comment

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One Response to Christian Prigent, Point d’appui 2012 — 2018

  1. Villeneuve

    Qui n’a jamais entendu Chris­tian Prigent lire sa poé­sie ne saura jamais la puis­sance de son point d’appui . JPGP s’y trouve .

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