Hervé Jaouen, L’Argent de la quête

Sœur Odile est la maî­tresse en maillot de bain de Petit Youenn. Il la sui­vra jusqu’à ce qu’il la haïsse.

Avec L’Argent de la quête, Hervé Jaouen inau­gure une col­lec­tion dans une nou­velle mai­son d’édition. La mai­son s’appelle Après la lune ; quant à la col­lec­tion, elle est doté d’un nom évo­ca­teur, tout en fan­tasmes, « La Maî­tresse en maillot de bain » et est celle des petits arran­ge­ments avec l’enfance.

Petit Youenn est né après-guerre par la grâce de Dieu. Son père est revenu d’Allemagne, une fois l’armistice signé, et sa mère n’a eu sa matrice sau­vée qu’au prix d’une souf­france immense et longue. Il s’ensuit de tout ça que Petit Youenn est le favori des deux enfants du couple, le pre­mier étant né avant la guerre et ayant eu le temps de gran­dir juste assez pour voir en son père un inconnu. Dans cette Bre­tagne catho­lique, le père est un Rouge. Un Coco. Mal­gré cela, Petit Youenn va à l’école sous l’église et suit les cours de sœur Odile dont il tombe amou­reux, du haut de ses cinq ans. Petit Youenn est un grand pro­dige. Il lit et écrit par­fai­te­ment. Mais pas ques­tion qu’on en fasse un curé. Il se retrouve au cœur d’un conflit fami­lial entre le père et le frère. Ce der­nier, qui a monté son affaire et qui a pour fian­cée une bour­geoise de bonne famille, sou­haite qu’il conti­nue une édu­ca­tion reli­gieuse. Mais le père n’est abso­lu­ment pas de cet avis. Il ne veut pas d’un ennemi du peuple sorti de [ses] couilles. La mère, elle, a son idée mais reste d’une étrange pas­si­vité. Alors, Petit Youenn décide d’agir. His­toire de maî­tri­ser sa destinée.

Ce pre­mier roman court, une cin­quan­taine de pages, nous emmène donc dans une bataille achar­née entre laï­cité et catho­li­cisme. Sœur Odile est l’incarnation de la mère dont tombe amou­reux Petit Youenn. Alors qu’elle devrait res­ter en charge des petits — l’école est diri­gée par deux ins­ti­tu­trices — elle choi­sit de suivre toute l’éducation pri­maire de ces petits aux­quels elle s’est atta­chée. Cette déci­sion aura un impact sur le pre­mier choix de Petit Youenn. La mater­nelle ter­mi­née, alors qu’il se dirige vers l’école de la Nation, il fait volte-face. Il conti­nuera à l’école sous l’église. Avec le temps, le tra­vail de sape du père dont il ne com­prend pas tout, fera effet. D’amour fan­tasme, sœur Odile se trans­for­mera en com­plo­teuse. Elle rejoin­dra le clan du frère et de l’abbé au moment de choi­sir dans quelle école ira Petit Youenn au sor­tir du primaire.

L’Argent de la quête est un roman social agri­cole por­teur d’idéologies déses­pé­rées avec un père qui n’a que son fils comme simple audi­toire. Roman à atmo­sphère empli de sou­ve­nirs. Ainsi on y retrouve ce maga­sin, Coop, rem­placé depuis dans les petits vil­lages par les Relais des mous­que­taires, et c’est bien le but avoué d’une telle col­lec­tion — “La Maî­tresse en maillot de bain” — que de ravi­ver de vieux sou­ve­nirs per­dus au tré­fonds de notre mémoire à la manière d’un Je me sou­viens de Georges Perec mais romancé.

julien védrenne

   
 

Hervé Jaouen, L’Argent de la quête, Après la lune coll. “La Maî­tresse en maillot de bain” (n° 1), mars 2006, 60 p. — 6,00 €.

Leave a Comment

Filed under Non classé, Pôle noir / Thriller

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>