Les quatre nouvelles de Pagnier sont des poèmes ou des musiques par lesquels naissent les histoires. Vienne devient leur lieu et le lien d’ombres doubles où transparaît la nostalgie, désir d’un exil poudreux. Il varie en variations de notes cristallines ou tranchantes comme des lames de fond.
Elles secouent la mémoire et les rêves qu’elles fomentent là où “le tramway austro-hongrois est le plus ancien d’Europe, ce qui explique que Vienne l’ait porté à une excellence inconnue ailleurs ; en fait il aurait été une chance pour l’Europe si l’on considère que la première rame circula à Sarajevo.”. Mais qu’importent les affres de l’Histoire.
Dominique Pagnier s’en éloigne pour se dégager des chemins tracés par les aléas de l’Histoire. L’écriture devient une soie fine pour épaules de zibeline au besoin écorchées. Ici, des bulles crevées renaissent. Par les nouvelles, un souffle inattendu se lève et parfois le fantasme d’un exil. C’est ailleurs, ici même “dit” la musique qui agite le courant des vents déviants.
Si bien que, dans de tels “rêves”, palpite la chair. Quelqu’un est mort, ou se marie, les chants de cantatrices demeurent pour eux là où chaque nouvelle sert de cambuse et d’usine.
Une barque nous attend, amarrée à ses talus. Vienne semble parfois déserte avec ni âme ni salut. Pas même un animal, ni (forcément !) de douceur angevine. On ne distingue parfois pas le soleil de la bruine.
Rue tranquille que croise l’inconnu dont le regard explore en deux plans les immeubles, les rehauts d’un passé que le couteau de l’écriture affine là où le passé éteint et repris égare ses gésines.
Il y a le passé et le futur, le présent comme interstice : ne pas évoquer l’ignominie de l’Histoire dans ces conversations, ces rencontres fortuites. Et juste des gouttes sur la peau de la réalité.
Demeurent ainsi d’infinies apagogies.
jean-paul gavard-perret
Dominique Pagnier, Le crépuscule des cantatrices, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2019, 88 p.
Avec Dominique Pagnier JPGP inaugure juillet en grande beauté !