Emmanuel Régniez, Madame Jules

Sacri­fice rituel

Belle musique que celle pro­po­sée par Emma­nuel Régniez. L’auteur épouse — entre autres —  le fémi­nin de l’être avec un jeu sub­til qui rap­pelle par­fois Mar­cel Aymé. Madame Jules a son “jules” qui est aussi son mari. Tout est donc par­fait puisque le couple coule et rou­coule le par­fait amour. Ce qui n’est pas aussi com­mun que ça.
Le livre pulse et impulse là où l’on sent néan­moins poindre des failles : lorsque le mari demande à son épouse “A quoi penses-tu ?”, elle répond “je pense à toi” — manière d’éluder la ques­tion d’autant que l’époux se garde de deman­der “Et tu en penses quoi ?”.

Les aimés aimants jouent ainsi les Fre­goli, les Gruss, le clown blanc et l’Auguste. Mais Madame Jules est désta­bi­li­sée sans le savoir depuis tou­jours. Mais elle ne le com­pren­dra qu’à la fin. Aupa­ra­vant, elle se ras­sure jusqu’à jouer l’autruche et faire appel à sa propre société secrète et à sa force occulte. D’autant qu’une “femme qui aime peut tout”. I
Mais ici les mots ’”aimer” et “tout” sont élas­tiques et valises. Rien pour­tant  d’approximatif ou de som­maire. Le ton est par­fois cru mais tou­jours allègre même dans la gra­vité des mono­logues inté­rieurs des deux membres de couple : ils font ce qu’ils peuvent avec leur vérité et leur moyen de s’acccrocher au mur.

Finale­ment, un accroc inter­vient. C’est ce qu’on appe­lait jadis une bif­fure (minime ?) sur le contrat de mariage. Il s’agit de s’ accom­mo­der d’une intra-alliance au nom d’une prin­cipe de soli­da­rité mari­tale. Mais cer­tains secrets remontent, nour­rissent l’incertitude. Voire plus. Et Régniez l’écrit de manière accom­plie.
Bref,  une nou­velle fois l’auteur étonne. Il prouve que si dans un couple il faut du plein, du dur, quelque chose sans fis­sure un cer­tain vide doit sacri­fier à quelque objet rituel une fois pour toutes (ou non).

jean-paul gavard-perret

Emma­nuel Régniez, Madame Jules, Le Tri­pode, Paris, 2019, 140 p. — 15, 00 €.

2 Comments

Filed under Chapeau bas, Erotisme, Romans

2 Responses to Emmanuel Régniez, Madame Jules

  1. Jeanne

    femme qui aime peut tout” et “homme qui aime?”

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