François Mourelet livre une fiction qui pourrait quasiment sauver le monde. Son héros est en effet un ponte de la médecine. Il pourrait faire encore plus et dénoncer des crimes contre l’humanité concoctés par des médecins confrères. Mais c’est là où le bât blesse. Le monde de la médecine est un tout petit monde où chacun pousse ses pions, s’enivre de pouvoir et de gloire d’autant que les enjeux ne sont pas peanuts.
C’est pourquoi, au moment où une nouvelle molécule miracle va tuer des millions de personnes, le Professeur va tergiverser. La “lucidozine” (la bien nommée) va produire bientôt ses effets à savoir des millions de morts. Cette “avancée” pourrait offrir une bonne suite à la fiction présente. Elle s’ouvrirait à une de ces dystopies dont la littérature actuelle raffole.
Mais, pour l’heure, Mourelet a d’autres chats à fouetter et d’autres tamanoirs à tanner. Connaissant parfaitement le domaine de la santé, il ne va pas de main morte en ce si petit monde qui, se parant des prestiges de la science, semble ignorer ce que Pascal nommait “la fausseté”. Voire.
Mais le feu reste au rouge. Coincé dans sa morale, ses valeurs, son milieu, ses compagnonnages et ses propres enjeux le sombre héros, plutôt que de parler franc, utilise bien des jeux de langue et pas seulement celle du du tamanoir dont va être extraite la molécule miracle…
D’où ce subtil jeu d’aventures humaines où le tamanoir (mais pas n’importe lequel : le Myrmeco phaga awi) joue un rôle abyssal. La fiction l’est tout autant. L’auteur ne semble pas (trop) s’en soucier. Du moins, pour nous détresser, il s’amuse de et avec son narrateur. La science exacte en prend pour son grade au moment (mais ce n’est pas le seul) où elle va flirter avec le savoir des sorciers. Cela est d’ailleurs dans le goût du temps et Morellet ne manque pas de s’en moquer.
Mais comme son héros, plutôt que de plastronner et jouer franc-jeu, il préfère des diagonales du fou et emprunter de chemins tropicaux de traverse sur l’échiquier du monde.
L’ambition des grands maîtres des hôpitaux universitaires et des laboratoires a sur le savoir médical plus d’effet que la détresse des hommes. Par chance, ceux-là n’en sauront rien sauf bien sûr s’ils lisent les aventures du — un rien snob quoique extra lucide — professeur slalomeur Parlisse.
Il parle ici la sortie. Le roman, en ce qui se devine comme une sorte de reportage caviardé, devient une sotie acide et désabusée. C’est là le premier livre des éditions Sans Escale. Elles s’ouvrent en conséquence de la plus belle manière par ce que Morellet injecte de virus littéraires rusés, implacables, rosses.
Dès lors, le diagnostic critique sera le suivant : il faut lire un tel livre. Pas sûr que nos relations entre maladies et remèdes, soignants et malades s’en trouvent rassérénées. Mais la lecture étant elle-même une maladie (qui devient hélas ! orpheline) il est à espérer qu’elle vaccinera dans ses vaticinations farcesques des germes plus pestilentiels.
C’est du moins le seul mal qu’on souhaite aux frères et soeurs lectrices et lecteurs.
jean-paul gavard-perret
François Mourelet, La langue du tamanoir, Editions Sans Escale, 2019, 154 p. — 12,00 €.
Merci
Je vous adresse une invitation pour une soirée littéraire des éditions sans escale que je dirige et un article paru ce jour sur mes livres
https://www.letelegramme.fr/cotes-darmor/lannion/litterature-la-bretagne-inspire-l-enarque-parisien-07–02-2019–12203536.php
Je tenais à vous remercier pour votre article sur F. Mourelet
bien cordialement
Valéry Molet
bonjour,
merci pour votre aimable retour au sujet du litteraire.com et de ces informations.
bien à vous et à vous lire,
la rédaction