Le 15 février 1908 toute la presse annonce l’arrestation d’Arsène Lupin. L’inspecteur Ganimard jubile. C’est en voulant voler le trésor du maharajah de Kolhapur, exposé à l’hôtel Meurice, que Lupin s’est fait mettre la main au collet. Mais, lors de la reconstitution, il s’évade en appliquant le principe des poupées gigognes.
Cependant, Arsène est malade. Il souffre d’une névrose cambrioleuse cyclothymique et se fait soigner par le docteur Kloucke. Celui-ci lui ordonne, comme thérapie, de cesser de voler pendant quelques semaines. Lupin, qui a endossé les habits de Jim Barnett, reçoit la visite de l’inspecteur Béchoux. Ce dernier souhaite que le détective retrouve la perle noire de Mme Bovaroff, la plus grosse perle noire jamais pêchée.
C’est ainsi que Lupin entre dans l’entourage de cette richissime mondaine. Très vite, il comprend de quoi il en retourne, mais détecte une anomalie. Un autoportrait de Delacroix, que la dame assure comme authentique, n’est qu’une copie. Comment le vrai tableau a-t-il disparu ? Et Barnett se retrouve avec un joli chèque pour deux choses, se taire quant à la perle et retrouver le Delacroix. Mais avec Lupin, sous quelque déguisement qu’il soit…
Frédéric Lenormand aime reprendre des personnages populaires, tant authentiques que de fiction et en faire les héros de ses romans. Il donne, ainsi, de nouvelles enquêtes au Juge Ti, le personnage de Robert van Gulik. Il fait de Voltaire un vibrionnant détective. Arsène Lupin, quant à lui, n’en finit pas d’inspirer des auteurs. Il est vrai que ce héros, aux personnalités si multiples, avec sa stature, offre des possibilités d’intrigues infinies ou presque.
Frédéric Lenormand le retient surtout sous les habits de Jim Barnett, ce détective à la tête d’une agence, qui “collabore” avec la police représentée par l’inspecteur Théodore Béchoux.
Si le “véritable” Lupin avait été arrêté juillet 1905, lors de sa première apparition dans Je sais tout, il est de nouveau mis sous les verrous quelques années plus tard. Mais il réalise une évasion spectaculaire bien mise en scène par le romancier. Celui-ci fait de Lupin le patient d’une sorte de Sigmund Freud et le défenseur d’une jeune femme qui gravite dans l’espace de Mme Bovaroff et dont le sort émeut le gentleman-cambrioleur.
Le récit est enlevé, l’humour très présent mais le romancier approfondi son propos, livre des réflexions pertinentes sur l’époque, réflexions qui ont une belle résonance avec le quotidien d’aujourd’hui.
Pour faire vivre son récit, il brosse une série de portraits, anime un ensemble de personnages tous intéressants à des degrés divers. On croise ainsi Picasso en faussaire, Akounine, Mata Hari en maîtresse d’un truand nommé René Chouane. Le romancier ne voulait pas, avec un tel patronyme à sa disposition, se priver d’intituler un chapitre Du côté de chez Chouane. Il signe des dialogues pétillants, retrouve le style de Maurice Leblanc pour les facéties de Lupin, ses rodomontades, son côté chevaleresque.
Avec ce Retour d’Arsène Lupin, Frédéric Lenormand signe un beau roman à l’intrigue astucieuse, animée par une galerie de personnages hauts en couleur, le tout servi avec un humour ravageur. On ne peut que souhaiter la multiplication d’un tel retour.
serge perraud
Frédéric Lenormand, Le Retour d’Arsène Lupin, Éditions du Masque, octobre 2018, 256 p. – 19,00 €.