Apollinaire appartient à la lignée (rare) des auteurs qui sont adoubés par la critique savante mais dont la vie et l’œuvre font figure de mythe quasi populaire. A l’intersection de ces deux mouvances Franck Balandier propose un roman « vrai » sur un épisode particulier de la vie de l’auteur et au sujet d’une « œuvre » particulière de cette existence : suivant une idée folle de Picasso et Géry, Apollinaire se trouve le complice du vol de la Joconde, ce qui lui vaut une incarcération de quelques jours qui lui paraît une éternité.
Le roman mène de fait deux lignes de front : donner d’Apollinaire une autre vision beaucoup plus humaine et l’affranchir d’un état qui fait de lui une institution mais aussi présenter un état des lieux de la prison que l’auteur connaît bien eu égard à son travail d’éducateur dans les prisons puis de directeur pénitentiaire d’insertion et de probation.
Mais Balandier est aussi un écrivain, auteur entre autres de « Ankylose » (Le serpent à plumes) et « Gazoline Tango » (Castor Astral). Il met ici à nu et dans une histoire d’amour les souffrances des exclus et leur explosion contrariée de liberté qui les consume. Il explore par les ressources de la langue l’extension de la voix des abîmes. Celle d’Apollinaire et des autres qui s’écroulèrent parfois tout compte fait pour quelque chose de simple : le manque d’amour.
Le tout à travers une jeune universitaire qui connaît ce manque et obtient — cent ans plus tard l’épisode de la Joconde — dans une prison désertée et en voie de reconstruction le droit de visiter la cellule où le poète fut enfermé et où elle fait la provisoire découverte d’un poème d’Apollinaire.
Entre vérité, fiction et une histoire qui se superpose à celle du poète, se crée une rémission mais aussi « l’exacte solitude » du moment où tout s’efface non seulement pour un mais les poètes dont les œuvres « vont mourir aux murs des prisons quand ils auront déjà fini d’exister ». C’est parfois tiré par les cheveux mais néanmoins cette fiction fait son chemin au-delà des allées de la Santé.
Elle touche à des nœuds que rien ne peut effacer quelle que que soit la puissance des bulldozers venant entamer les entrailles d’un tel lieu.
jean-paul gavard-perret
Franck Balandier, Apo, Le Castor Astral, Le Pré Saint Gervais, 2018, 180 p. — 17,00 €.
Bonjour,
Je désire sincèrement vous remercier pour la très belle recension que vous faites de mon petit dernier, “APO”. C’est inattendu et d’autant plus apprécié !
Oui, cet Apollinaire-là est décidément plus humain. J’en aime les fêlures, les fragilités. Je l’ai vu ainsi. Donc, encore mille merci.
Juste une petite remarque : Il ne s’agit pas du viol de la Joconde (quoique vous me donniez une idée pour un autre livre), mais seulement du vol.
Peut-être, aurez-vous le loisir de rétablir la vérité et de rectifier.
Bien à vous.
Superbe article !
Une coquille demeure sont chemin
Écrire son chemin
bonjour Monsieur,
j’ai été très séduite par la critique de votre APO!!, je m’empresse de le commander quoique, je n’ai pas touvé l’éditeur!!
Enfin je crois que cela va me plaire , je l’emporterai dans mes bagages de vacances…
Merci à vous cher Franck
bien a vous
Sophie Brault