Eric Poindron, L’ombre de la girafe

Peigner les sou­ve­nirs, sham­pooi­ner la girafe

Dans cet ensemble — appa­rem­ment hété­ro­clite mais moins qu’il pour­rait le sem­bler — Eric Poin­dron ouvre des pans ou plu­tôt des arcs entre le passé et le pré­sent. Chaque cha­pitre, chaque image recèle un grin­ce­ment et une ten­sion même si le para­dis ne semble pas si loin que cela, même si l’auteur ne des­sine pas un monde idéal à la manière des uto­pies. Mais il arrive qu’on envie ce qu’il fut (pro­ba­ble­ment) comme on envie ceux dont Poin­dron fait par­ta­ger l’existence — Ber­lioz et ani­maux com­pris. C’est dire si l’éventail est large.
Et la girafe par­tout. Elle per­met de suivre un réseau de sou­ve­nirs sym­boles dont il faut cher­cher la signi­fi­ca­tion cachée. Peu à peu, entre évo­ca­tions, ani­maux, per­son­nages cultes ou non s’établit un lien entre le réel et son mythe. Le poids du temps s’en trouve para­doxa­le­ment allégé. Le tout au nom ou à l’ombre de l’explorateur Fran­çois Le Vaillant (1753 — 1824) qui pour­sui­vit une girafe pen­dant plus de trois heures avant de la perdre de vue et qui ne réso­lut de la décrire que « d’après lui-même ».

Dès lors, si ce qu’il affirme n’a pas de garan­tie abso­lue, une véra­cité est à l’ouvrage. Le Vaillant devient ainsi un des guides de cette quête ; Ber­lioz aussi. Mais ils ne sont pas les seuls et, orni­tho­logue à sa manière, l’auteur aime vivre avec divers types d’animaux quelle qu’en soit la nature – “vraie, fausse, en plumes ou en plas­tique”.
Se construit ainsi entre gira­fons et coqs, entre jar­dins d’acclimatations et grands espaces un cirque du monde où, au besoin, un « direc­teur du ciel vend des billets » à coté d’une cho­rale de gre­nouilles. Le monde se crée ou se défait. Girafe, élé­phant ou l’homme lui-même ne rendent plus Dieu désespérable.

Et c’est tout compte fait ce qui ras­sure dans ce livre insi­dieu­se­ment intru­sif. Il per­met au Père de retrou­ver des repères. A chaque lec­teur et lec­trice de voir ce qu’ils peuvent en faire.

jean-paul gavard-perret

Eric Poin­dron,  L’ombre de la girafe, édi­tions Bleu Autour, Saint Pour­çain sur Sioule, 2018, 112 p. — 13,00 €.

Leave a Comment

Filed under Poésie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>