Marc Pessin, Flusso Luminare (exposition)

Au-delà des frontières

Enfant, le gra­veur Marc Pes­sin buvait l’eau des ruis­seaux à plat ventre. Il croyait voir de l’or. C’est la cou­leur que, sous fond de noir, l’artiste, au cré­pus­cule, retient. Ses espaces, plus que ceux du passé, rede­viennent ceux du pas­sage. Sur­git la » res­sem­blance » étrange qui nous rap­proche de l’harmonie. C’est pour­quoi ses gra­vures fas­cinent. Autant par leur spa­cieuse mélan­co­lie que leur soli­tude exten­sive et lumi­neuse dans lequel se joue une gra­vité solaire.
Dans le noir et blanc comme par­fois entre le gre­nat ou le rose (une hiron­delle pas­sant devant, les lignes sou­dain dérivent mais dans un ordre par­fait), Pes­sin construit l’espace de dou­leur et de dou­ceur : existent là des cages de l’être aux bar­reaux élas­tiques afin que celui-ci puisse pas­ser à tra­vers. Tout cela res­semble aussi à des jar­dins d’hiver presque abs­traits et au théâtre de leur ailleurs. Chaque trait est ouvert, fermé. Et ce, jusque dans les matières consub­stan­tielles à la gra­vure (cuivre, encres). Elles font recon­naître l’inclinaison du temps là où le geste de créa­tion ne souffre pas de compromis.

L’artiste rap­pelle que gra­ver c’est tou­jours inci­ser le pré­sent en un acte presque immo­bile. La courbe des épaules du créa­teur sug­gère com­bien il ne peut pas se per­mettre la moindre digres­sion, le moindre geste fan­tôme. Créer reste un acte per­pé­tré dans le fil tissé de temps au rouet de la vie. Marc Pes­sin prouve que lorsque rien – ou presque – ne semble se pas­ser, chaque trait pro­voque une extase nue.
Il ne convient pas de la détruire mais de l’isoler, de l’immobiliser, de la rete­nir entre ten­sion et rete­nue afin de lais­ser jaillir un temps à l’état pur face à la capa­cité de des­truc­tion du quotidien.

A tra­vers l’incision un pay­sage s’ouvre sous la pau­pière comme s’il s’agissait d’un tableau de Ver­meer dont le nom veut dire « plus loin­tain ». S’approcher des inci­sions paral­lèles ou des courbes de Pes­sin sus­cite le jeu de sa proximité.

jean-paul gavard-perret

Marc Pes­sin, Flusso Lumi­nare, Artes­tu­dio Morandi, Ber­game, du 9 juin au 31 juillet 2018

2 Comments

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2 Responses to Marc Pessin, Flusso Luminare (exposition)

  1. Carreira

    Ce magni­fique texte frôle l’admiration pour cet artiste Marc Pes­sin !
    C’est touchant .

  2. Villeneuve

    Marc Pes­sin fait dan­ser les lignes en accords par­faits . Sur­git une sym­pho­nie visuelle que JPGP sou­ligne avec talent .

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