Alain Marc, Je ne suis que le regard des autres

La bride sur l’écrou

Alain Marc – ou du moins son porte-voix – rêve de vivre dans les jupes des femmes. C’est un toc par­tagé par la plu­part des hommes. Mais il y a sou­vent loin de la coupe aux lèvres. Par­fois pour l’un des par­te­naires et par­fois pour les deux. Et ce, en « live » ou par la pro­cu­ra­tion d’images.
Dans un tel récit en frag­ments, le texte crée des hyp­noses nées de la recherche « ani­male » ou ins­tinc­tive ou d’une douce vio­lence fas­ci­na­trice. Mais néan­moins l’auteur reste sur sa réserve. Evo­quant le plus intime, il abou­tit à l’obéissance for­cée d’une sorte de pudeur quoique ce mot ne convienne pas tout à fait.
Là où des auteurs tels que Jacques Cauda osent tout même le pire en – au besoin– rajou­tant une louche, le héros d’Alain Marc reste un timide for­cé­ment frus­tré comme le prouve le der­nier texte qu’il ne faut bien sûr pas dévoi­ler. Existe donc tout un jeu de mons­tra­tion et d’effacement. Des unes comme des autres. Là où par­fois les genres et les âges boitent volontairement.

Il y a là  de belles échap­pées sexuelles de diverses natures. Le corps de l’autre est tel­le­ment appelé qu’il semble impli­ci­te­ment pré­sent jusqu’à le faire crier. Par­fois, des dents impriment leur marque sur les lèvres. La volupté est cruelle. Elle incite à bles­ser les corps. Mais l’auteur reste pris de com­pas­sion plu­tôt louable qui module le contenu de cer­taines licences.
Néan­moins, les corps ne sont jamais por­teur de haine  même s’ils subissent des excès d’amour ou ce qui en tient lieu voire une cer­taine oppres­sion. La pos­ses­sion ani­male embrase le cœur d’un effrayant désir, mais par­fois il n’est même pas ques­tion d’affect : il s’agit de remon­ter au pri­mi­tif de l’être.

Sa soif est dévo­rante et l’auteur par ses frag­ments indique divers « ruis­seaux ». Aphro­dite ne s’oppose pas à la divi­nité phal­lique même si  le nar­ra­teur n’en est pas for­cé­ment le béné­fi­ciaire. L’écriture retient en ce sens bien des flux, bride la fré­né­sie. Trop peut-être : si bien que de la consom­ma­tion à la consu­ma­tion ne reste par­fois qu’un pay­sage de cendres.

jean-paul gavard-perret

Alain Marc,  Je ne suis que le regard des autres, Z4 édi­tions, 39300 Les Nans, 2018,  70 p. - 12,00 €.

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