Annabel Aoun Blanco, Reviens (exposition)

L’image qui tente son retour

Les por­traits de la Gene­voise Anna­bel Aoun Blanco semblent tou­jours si proches et si loin. Ce sont tou­te­fois moins ceux de morts-vivants que de fan­tômes qui nous hantent. L’artiste rameute des traces qu’on ne peut jamais consi­dé­rer comme ache­vées puisqu’il est impos­sible de consi­dé­rer la psy­ché comme totale. Demeure un insai­sis­sable qui est comme retenu. L’artiste pro­pose  une appa­ri­tion autant qu’une dis­pa­ri­tion. Mais, dans son expo­si­tion lyon­naise, aux indes­crip­tibles traînes de l’effacement pro­grammé se suc­cèdent des remon­tées et un appel à la fois dif­fus et concret.
Face à l’étoffe litur­gique du lin­ceul s’impose sou­dain un bâti qui dégorge la force de vivre et de l’amour. C’est pour­quoi l’image ne se quitte pas. Res­tent des ter­ri­toires ambi­gus et des matières de mémoire. Il  faut ici cette sol­li­ci­ta­tion du tout près face à ce qui ne fait que pas­ser. Contre l’éphémère, la photo retient sous diverses lumières maints registres de mys­tères. Il s’agit d’une pro­fon­deur de mémoire( comme il y a une pro­fon­deur de la rivière) et d’une pro­fonde répé­ti­tion à l’intérieur d’un thème ou d’une stra­té­gie de « prise ».

Qu’il s’agisse d’effacement ou de sur­gis­se­ment, d’apparition ou de dis­pa­ri­tion, ces thèmes s’inscrivent entre deux rives La pho­to­gra­phie devient un moyen de connais­sance à tra­vers divers états et étapes. Lorsqu’Annabel Aoun Blanco se fait invi­sible, ce qu’elle montre appa­raît plus émou­vant par la charge que ses prises contiennent. Tout se passe dans la sta­tique de ce qui pour­tant s’écoule.
En mul­ti­pliant ses prises, elle ménage le plus de ten­ta­tives pos­sibles pour arrê­ter un temps. Jaillissent des éga­re­ments, des faveurs pudiques : celle ou celui qui regarde trouve ce qu’il vient cher­cher puisque l’artiste lui per­met cette pos­si­bi­lité de miroirs ou ces frag­ments de miroir qui deviennent des expres­sions d’avant mots ou pen­sées. A tout désir d’évasion elle oppose la contem­pla­tion et ses « re-sources ».
Inutile de par­tir, ce serait dis­trac­tion. Il faut se battre avec cette œuvre ni nar­cis­sique ni osten­ta­toire et qui va sans hési­ter, lorsque c’est néces­saire, du côté de l’effacement sans souci du beau, du déco­ra­tif, bref de la facticité.

jean-paul gavard-perret

Anna­bel Aoun Blanco,  Reviens, Gale­rie Eli­za­beth Cou­tu­rier, Lyon du 5 avril au 5 mai 2018.

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