Emmanuel Finkiel, La Douleur

Filmer l’attente devient une sorte d’évitement du pro­pos de Duras

La dou­leur est plus un télé­film qu’un vrai film. Duras l’aurait cer­tai­ne­ment renié. Il souffre du lien trop étroit entre Méla­nie Thierry et son réa­li­sa­teur : l’actrice se regarde se regar­der au moment où Fin­kiel ne cesse de la contem­pler. Si bien que le per­son­nage écrase le récit dans un roman­tisme là où un radi­ca­lisme s’imposait. La voix off n’arrange rien en son dédou­ble­ment tau­to­lo­gique, elle plombe même le récit. Si bien que la dou­leur n’est qu’un titre et le tra­vail sur le son ne peut sau­ver le film.
Benoît Magi­nel « épaissi » est impres­sion­nant car magné­tique mais la désin­vol­ture molle de Ben­ja­min Biol­lay en Mas­colo ne colle pas et ne fait pas le poids. Certes, le réa­li­sa­teur a eu l’astuce de ne pas mon­trer Anthelme de retour du camp. Mais en même temps, c’est là que pour Duras l’histoire commençait.

Il est vrai que fil­mer du Duras est presque impos­sible :  L’amant  le prouva,  La dou­leur  le confirme. Il existe bien sûr un bel effort mais fil­mer l’attente devient une sorte d’évitement du pro­pos de Duras.  Emma­nuel Fin­kiel cherche à faire éprou­ver le chant des formes dans un hymen avec le corps de son actrice. Mais une cer­taine idée de la trans­cen­dance du « devoir » d’amour — qui se perd en cet exer­cice — n’est pas for­cé­ment sou­li­gnée. Le reten­tis­se­ment affec­tif pour Mas­colo passe par un pro­ces­sus dont l’imagerie libi­di­nale est absente, éva­cuée.
Son seul trai­te­ment ne passe que par l’assomption dans un théâtre d’ombres. Robert Anthelme reste nimbé d’incertitude jusque par­fois à deve­nir un « ange » d’après la nuit. Si bien que le film témoigne d’une vérité qui est moins celle d’une incar­na­tion que celle de son déplacement.

Ce qui est affirmé demeure à l’état d’énigme au coef­fi­cient de pro­ba­bi­lité peu sûr. Les pré­sences res­tent trop en sus­pens et rap­pellent ce que dit un per­son­nage de Becket dans Solo“c’était ça quelque chose comme ça venu parti venu parti per­sonne venu per­sonne parti à peine à peine venu parti à peine venu parti”.  Reste une rigueur tran­quille : pas de solen­nité empha­tique. Juste quelques poses de mou­ve­ments en cours.
Mais que reste-il de Duras  ?

jean-paul gavard-perret

La Dou­leur
Date de sor­tie : 24 jan­vier 2018 (2h 06min)
De Emma­nuel Fin­kiel
Avec Méla­nie Thierry, Benoît Magi­mel, Ben­ja­min Bio­lay
Genre : Drame

2 Comments

Filed under cinéma

2 Responses to Emmanuel Finkiel, La Douleur

  1. Villeneuve

    ” A peine venu parti …” Quelle éphé­mère affaire ! Emma­nuel Fin­kiel vou­lait du natu­rel avant toute chose . Mais un Mas­colo mollo et les autres trop sta­tiques figent le film hors de ” La Dou­leur ” dont seule Duras sait dire l’assomption .
    JPGP a raison .

  2. Villeneuve

    Pré­ci­sons que , pour le superbe film sug­géré par Ghys­laine Leloup et adoubé par JPGP , Duras n’avait pas écrit un livre mais rédigé scé­na­rio et dia­logues Entrée direc­te­ment dans la danse fil­mique Duras a livré son talent
    FB :
    Je n’ai pas encore vu le film. Concer­nant “Duras au cinéma”, et ayant vu presque tous les films adap­tés de ses textes, je pense depuis long­temps que c’est Duras elle-même qui a le mieux filmé ses oeuvres (hors le superbe Resnais pour Hiro­shima, mon amour).
    Jean-Paul Gavard-Perret répond : OUI SANS RESERVE

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