La question de la structure, de la trame et de la répétition sérielle était essentielle dans l’œuvre de Benjamin Mecz. Il vient de disparaître bien trop prématurément au moment où le jeune artiste était en train de créer une œuvre majeure au moyen d’installations, structures, dérives, voilages, assemblages et empilement où la reproduction quoique essentielle n’était jamais reproduite à l’identique. Chaque série entraînait une nouvelle étape et réflexion.
L’œuvre – sans doute trop radicale – n’aura pas encore reçu du vivant de son créateur la reconnaissance qu’elle méritait. Il existe pourtant une science quasi « mathématique » de l’art à travers des éléments matriciels et normés que l’artiste se plaisait à décaler tout en respectant une logique dont le floutage était parfois imperceptible.
Benjamin Mecz choisissait souvent le textile et le vêtement pour leur valeur d’objet utilitaire et d’ornement, de « reproduction » symbolique et sociale qui se prête à la production industrielle, en série. Le créateur y intégrait une « trame » invisible entre l’usine de filage et le corps et par ses diverses « coutures » il suggérait la possibilité d’assemblages eux-mêmes signes de la maison de l’être et son abri.
Pour l’artiste, il s’agissait « de rassembler, plutôt que de coudre » en laissant dans ses structures créées des trous capables de voir le monde. Un tel abri ne se voulait donc pas blockhaus ou château fort mais l’individu pouvait se sentir protégé par sa carapace textile, réserve de son intégrité.
L’œuvre développait une immense métaphore où l’installation prit sa véritable dimension. La trame s’y faisait reproduction et liaison en insistant sur un élément essentiel que l’artiste précisa : « Plus la répétition est grande, plus s’accroît la différence entre l’objet et l’ensemble : c’est l’image de la globalisation, écrasant, déformant ou caricaturant les particularismes ». A ce titre, son travail « One-size-fits-all » (son œuvre sans doute majeure) traitait de la taille unique en tant que sorte d’utérus universel qui accouche non d’exceptions ou de singularités mais de clones.
L’artiste dans ce travail a cousu des milliers d’étiquettes de vêtements pour créer une tente et un sac de couchage (autres types d’abri). Si bien que la marque (que l’artiste repris dans une autre œuvre) devient non la signalétique de l’objet mais sa matière même. En quelque sorte l’envers devient l’endroit et le secondaire premier dans un travail lent et minutieux que l’artiste doit accomplir comme contre-exemple de l’industrialisation.
A l’inverse, dans la série « Fruit of the loom » (ce dernier mot signifiant à la fois « la marque » et « le métier à tisser »), une plaque de marbre — volontairement brisée et qui ressemble à celle d’ex-voto de cimetières — est là pour casser les trames du logo de la marque « Fruit of the Loom » (pomme et feuille de vigne). Cette série fait la nique à un des maux de la mondialisation : la force de la marque donc de la signature qui de facto et en art, comme le rappela Duchamp, s’est imposée dans l’art occidental depuis la Renaissance jusqu’à posséder plus d’importance que l’œuvre elle-même.
Propos qu’en d’autres types de performances, Deborah de Robertis (amie proche durement éprouvée par la disparition de Mecz) tente elle aussi de mettre à mal. De tels créateurs demeurent des exceptions dans les règles du marché de l’art.
jean-paul gavard-perret
Je ne connaissais que très peu benjamin.
Je l’ai par contre croisé plusieurs fois entre tel aviv et Paris, entre cafés, salles de concert, galeries et autres lieux enchantés de la nuit
il y avait quelque chose dans ses yeux et dans son sourire qui jaillissait.
Un sourire dont je me souviendrait je l’espère toute ma vie, juste bon. Serein.
Son travail est magnifique et nous montre toute l’authenticite dont il fait preuve. J’aurai aimé mieux le connaître, peut être dans une autre vie.
Que son âme repose en paix, que sa famille trouve la paix elle aussi dans ce tourmant si amer.