Raffinée et sauvage ou raffinée parce que sauvage, l’écriture de Daniel Blanchard tord le cou à la prolixité. Sous formes de haïkus, le poète évoque l’amour, le temps (les deux passent) de manière à les retenir “au fil de l’eau / douce qui emporte les jours” jusqu’à ce que, comme les feuilles d’automne, les mots tombent à terre, c’est-à-dire sur le papier. Les dessins de Farhad Ostovai et ces arbres le prouvent : ils sont morts ou défeuillés.
Ici, le haïku se fait glamour par le “miracle” de sa forme obligée entre abstraction et figuration. D’où sa force et sa cohérence. Peu importe que parfois le genre forain demeure stylistiquement prisonnier des canons esthétiques, du moins chez certains poètes. Blanchard à l’inverse les laisse dans la simplicité, la rapidité rythmique épurée, sans lyrisme. Avec en contrepoint les subtiles arbres de vie du vide de Farhad Ostovani.
Demain ne sera pas – ou peu. Mais le poème ranime des sourires, suggère des caresses, des brises araîches, des parfums. Et, si tout va s’éteindre, Blanchard prouve qu’il demeure encore une marge avant de prendre la porte de sortie. Des étoiles ruissellent avant que les paupières s’alourdissent.
L’amour berce encore de sa houle et qu’importe s’il n’est plus au rendez-vous.
jean-paul gavard-perret
Daniel Blanchard, Bruire, dessins de Farhad Ostovani, Editions L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2017, 72 p. — 15,00 €.