Quelle aubaine d’avoir les femmes pour se débarrasser de l’Histoire ! Les résistants (comme ceux qui ne l’étaient pas) ont trouvé en certaines d’entre elles des victimes expiatoires idéales. Ils les ont rasées, fait marcher à demi-nues, les ont battues avant de les laisser étourdies par terre. Nulle question pour elles de se défendre, de se battre ou se débattre face à l’hydre de la populace. L’auteure le rappelle avec une stupéfiante précision inscrite comme dans sa chair et dans son esprit.
Perrine Le Querrec s’empare de ce sujet avec une rare détermination et dans une langue âpre et errante, une langue de condamnée sans jugement par une société lâche qui se venge en détruisant l’intimité de celles qui quelques fois n’avaient même pas 18 ans. Leur corps fut durablement bafoué et leur esprit irrémédiablement écrasé. Elle leur redonne voix pour exprimer le potentiellement indicible et dire leur blessure. Elles n’eurent pas la présence d’esprit de changer de camp comme tant de leurs bourreaux et certaines furent violées à répétitions en des « tournantes » avant la lettre.
Comme Andreas Becker, Perrine Le Querrec trouve les mots justes d’une réalité qu’entérinèrent des « jugements » expéditifs et trop de témoignages douteux mais qui ravirent celles et ceux qui — avides de sensations équivoques — jouirent du désarroi, de la solitude, l’écrasement physique, psychique des filles.
Perrine Le Querrec rappelle leur martyre, « leurs crânes dressés comme des obus dérisoires face à aux fourche, pelle et pioche pointées », leur nuque et vulve nues dans une sorte de dissection qui ne fit que montrer la vacuité obscène des assaillants ravis de lever le menton des filles, d’écarter leurs cuisses, le sang sur leur bouche et réduites au silence face aux chiens de guerre.
Comme toujours il existe chez Le Querrec et Cauda quelque chose de primitif et d’essentiel pour ne plus dissimuler sous la litanie oppressante des raisons et des passions le cri de celles qui ne purent l’oser et furent contraintes à toute résignation. L’auteure et l’artiste cherchent à débarrasser les expéditions punitives des « justes » (?) d’excuses, quitte à passer pour politiquement immoraux.
jean-paul gavard-perret
Perrine Le Querrec & Jacques Cauda, Les tondues, Z4 éditions, 2017.
Poignant article !
(Que ceux qui n’ont jamais pêché…
jettent la première pierre )
Merci pour elles.
Merci pour les deux auteurs — votre article est vraiment excellent et j’aimerais, après l’avoir lu, vous envoyer un autre livre que nous venons de publier.
http://z4editions.fr/publication/lamento/
Lamento de Jean-Claude Pecker. Ce sont des poèmes que Jean-Claude (astrophysicien, membre de l’Académie) a écrit 50 ans après la disparition de ses parents à Auschwitz. Juste 8 poèmes qu’il a mis 10 ans à terminer. Un livre qui me semble très important et tout à fait intemporel.
Bien cordialement,
Daniel Ziv
www.z4editions.fr
Un magnifique article qui met en avant les pulsions érotiques des moralisateurs, abaissant l’homme au rang de primitifs animaux honteux et cruels. Ils sont une sorte de chaos diabolique où rien n’est démélé.
En écho à votre article sur cet ouvrage juste, plasticienne engagée, j’ai réalisé une série intitulée « La trahison des images» sur la tonte des “filles-à-boches” à la libération en 1945. La tonte des cheveux participe de la dépersonnalisation, au lieu du châtiment et de l’humiliation.
A découvrir : https://1011-art.blogspot.com/p/le-bon-exemple.html