Ce qui frappe dans la nouvelle collection de « L’Atelier contemporain » est d’abord — et en dehors de l’extrême qualité d’édition — le parfait équilibre entre le texte et les images. Dans Les prairies d’asphodèles les dessins de Cristine Guinamand font écho aux recueils en deux moments de Bruno Krebs.
Elégie et onirisme s’y fondent dans une poésie bucolique et descriptive propre à un lamento que le radicalisme de l’écriture évite de faire mariner dans le lyrisme. Par vignettes, lieux et moments se succèdent : la nature règne en maîtresse mais les chatons des peupliers ne sont pas loin de la poussière de sucre des gaufres et crêpes d’une fête foraine.
La douleur du temps passé fait le lit d’un regard si proche sur ce qui fut et se défait. L’univers disparu se métamorphose et revit par un langage précis et doux. Le murmure des images de l’auteur et de l’artiste touche de manière étrange : physique chez le premier et plus abstraite chez la seconde.
Dans ce regard neuf et croisé, la sécrétion d’émotions les plus simples est prégnante. La vie bat sans virus de mort mais en pulsion. Et si la paroi du temps passé demeure, le livre dans sa gravité reste léger.
Le poète déplace les lignes de fuite, les rapproche en successions de moments : il est à nouveau dedans.
jean-paul gavard-perret
Bruno Krebs, Dans les prairies d’asphodèles, lecture d’Antoine Emaz, dessins de Cristine Guinamand, Editions L’Atelier Contemporain, Strasbourg, 2017, 94 p. — 20,00 €.
Quel talent !