Parmi les ombres, la lumière : entretien avec Véronique Loh

Chez Véro­nique Loh les pay­sages et les êtres glissent imper­cep­ti­ble­ment dans l’espace de la repré­sen­ta­tion men­tale et visuelle. Ils n’acquièrent leur droit d’exister qu’en deve­nant sym­boles très par­ti­cu­liers. Nul en effet n’en connaît la clé. Ils vont se perdre dans l’espace d’une inquié­tante insta­bi­lité : nuits blanches, cou­lées phy­siques de la pen­sée, affûts de loin­tains. Tout demeure latent et incer­tain comme la source même de la vie dans l’extrême raf­fi­ne­ment des pay­sages d’aubes ou de cré­pus­cule. Ils émergent des lagunes véni­tiennes. S’y dressent des palais inquié­tants. S’y fixent les forces et les formes de ver­tiges inté­rieurs.
L’artiste rem­plit les lacunes qui existent entre les formes réelles. La dyna­mique de l’inconscient vient y agi­ter et démul­ti­plier les ruses de l’ombre et de la lumière. Les émo­tions ne sont plus seule­ment optiques et la sen­si­bi­lité n’est pas seule­ment visuelle. Dans la pénombre et l’opacité lourde Véro­nique Loh ouvre les portes de lumières. Elle per­met à l’être de per­ce­voir les figures contra­dic­toires de son rap­port du monde. Avec une hal­lu­ci­nante évi­dence s’ouvre le fleuve du songe vision­naire qui sur­prend l’œil et l’esprit. L’artiste délivre un monde de sa nuit sans pour autant le jeter en plein jour.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
En ce moment la douleur.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfance ?
Les rares qui sont par­ve­nus à naître en enfance, long­temps enter­rés, com­mencent main­te­nant à germer.

A quoi avez-vous renoncé ?
Eh bien fina­le­ment à rien, nul besoin de renon­cer au vide, on ne peut qu’essayer de construire.

D’où venez-vous ?
D’une source généa­lo­gique qui aurait dû mourir.

Qu’avez-vous reçu en héri­tage ?
L’enfermement inté­rieur, l’effacement.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Les “calins” de la famille que j’ai construite.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Que je ne pense pas en être une.

Com­ment définiriez-vous votre approche du pay­sage ?
Je trans­cris les pay­sages comme toute chose. Sur le fil entre rêve et réalité.

Qu’avez-vous dû aban­donné pour votre tra­vail ?
Rien ne se perd, tout se transforme.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Je me sou­viens, enfant, de la sor­tie d’une visite d’un musée… J’en des­cen­dais les esca­liers exté­rieurs et je n’avais emporté qu’une seule image, tou­jours ancrée : “Les amou­reux au des­sus de la ville” de Chagall.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Je me sou­viens, ado­les­cente, d’une tri­lo­gie de Pear Beck dont le nom, aujourd’hui, m’échappe.

Quelles musiques écoutez-vous ?
J’écoute plus par­ti­cu­liè­re­ment du Rock, les Fran­çais à texte, le clas­sique qui décoiffe…

Quel est le livre que vous aimez relire ?
“L’inondation” de Evgueni Zamiatine.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Le tom­beau des lucioles”.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une hor­rible chose que je ne veux pas regarder.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Char­lotte Gainsbourg.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
L’Islande.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
J’admire tous ceux qui ont le cou­rage d’être et la volonté d’y par­ve­nir (ce qui n’est pas (encore ?) mon cas).

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Encore une année.

Que défendez-vous ?
Je défends beau­coup de choses, mais bien trop mol­le­ment, ins­tal­lée dans un petit confort personnel…

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
C’est pas faux. Mais ça vaut pour bien d’autres choses que l’amour.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Qu’une vraie dis­cus­sion à deux ou cha­cun s’écoute avant de se répondre est moins fré­quente que deux conver­sa­tions sté­riles qui s’entrecroisent.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Vos réponses seraient-elles les mêmes demain ?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 26 octobre 2017.

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