Reconnu avec retard par les sages — peut-être parce qu’il relevait davantage du genre policier que romanesque -, René Fregni poursuit l’évocation de son existence hétérodoxe. En un retour à Marseille où il a assuré entre autres des ateliers d’écriture dans les prisons, l’auteur évoque un épisode qui lui valut bien des désagréments (euphémisme…). Pour autant, il évite tout pathos sur lui-même comme sur les « morts ». Son livre garde une solarité à défaut d’un bonheur de vivre — ce qui serait faire injure à une grande partie de ceux qui le peuplent.
Frégni se retrouve ici tel qu’il est dans une Provence plus PACA que pagnolesque après qu’un homme lui ait ouvert « les portes du mal et de la peur ». Mais la vitalité de celui que les voyous imaginait « plus écrivain » d’aspect se ressource dans l’écriture. Et qu’importe le flacon. Seule demeure l’ivresse d’un récit sans concession, vif et profond. L’auteur, sans jamais s’appesantir sur les ombres qui l’obscurcissent, reste debout en dépit d’un corps « rempli d’angoisses et de démons ». Les siens et celui des autres, moins rebuts que frères humains.
Le roman devient une histoire pour « perdre la peur » en ramassant des mots. Il s’agit donc de retrouver la paix loin des gardiens du même nom, loin de Marseille et du fracas des balles. L’auteur méprise les jugements moraux : d’où l’épaisseur d’âme de son livre où l’homme partagé reste debout par-delà le bien et le mal car sauvé par l’amour.
Après la légèreté d’être de Je me souviens de vos rêves, l’auteur pénètre le réel sans concession en osant exprimer la fragilité des hommes et la beauté des femmes. Plus que personne, Frégni sait entendre l’autre, écouter les larmes des murs et la caresse des collines. Il porte des secrets au rouge dans la rivière d’un roman « vrai » . Les cœurs ouverts sont jetés dans le récit d’un héros journalier mais rare. Son chemin est long et escarpé.
Mais le livre efface la douleur du temps dans une prose vive. Elle coupe parfois le cercle trop rond du soleil et de la lune de ceux qui ignorent les barreaux. Mais au bout des tourments une sagesse est en marche : elle ne néglige rien de ce qui l’a chevillée entre armes et baisers.
jean-paul gavard-perret
René Frégni, Les vivants au prix des morts, Gallimard, Paris, 207, 190 p. - 18,00 €.
ce livre est tellement bien écrit que l’on ne sait plus ou est le vrai et ou est la fiction! une ballade dans la nature…
René il faut continuer de nous émerveiller