Dans la droite ligne (si l’on peut dire) de Dickens (auquel il a consacré un essai) et après Monsieur Dick ou le Dixième Livre, variation sur Le Mystère d’Edwin Drood de l’auteur anglais, Les Maîtres de Glenmarkie hommage aux maîtres du roman d’aventure et de Zaporogues, Jean-Pierre Ohl (frère du regretté Michel) poursuit ses vacations plus ou moins farcesques.
Il reste le forgeron des histoires dégingandées et métalliques qui lui ont valu le titre de « magicien d’Ohl » avide de faire avancer le lecteur dans des histoires imprévisibles.
Son nouveau livre tient toujours de la fable dickienne : l’ingénieur George Stephenson construit la première ligne de chemin de fer anglaise. Mais très vite le récit bifurque vers une histoire policière riche en circonstances mystérieuses sur une lady du nord de l’Angleterre. Un notaire (Edward Bailey), disciple de Byron le romantique et alcoolique discret mais notoire, va tenter de mettre de l’ordre dans des imbroglios. Il va apporter confusion plus qu’éclaircies dans un temps où — et déjà — ceux qui sont laissés dans le talus par la révolution industrielle souffrent.
Dès lors, la fiction à la Dickens lorgne ici plus du côté de Zola que d’Eugène Sue. Le chemin du diable devient un beau mixage entre la chronique vériste et le roman gothique. Il tranche au milieu de toutes les histoires d’amour bobos qui font le lit et le lieu commun du roman français actuel. Ohl se retrouve aux antipodes : hors mode, l’auteur poursuit sa veine et il faut bien dire que ça fait du bien pour qui cherche dans le roman un divertissement roboratif.
jean-paul gavard-perret
Jean-Pierre Ohl , Le chemin du diable, Gallimard, coll. Blanche, Paris, 2017.