Au fil du temps, et au lieu de dormir, Pauline Sauveur apprit à écrire dans le noir. « Une feuille / Sous le réveil » et un feutre « Le bic peut ne pas, lui, / et alors au matin /vague trace d’une pointe sans encre /illisible ». Vient le temps ensuite de photographier cette feuille et le monde qui se lève. Chez elle, ou ailleurs «presqu’île presqu’elle (…) j’habite chez elle et je dors dans le bureau ».
Pauline Sauveur ne demande pas beaucoup. Presque rien. Juste une chose : qu’on lui « foute la paix ». Pas asociale pour autant. Elle a même vécu une existence qu’on appellera conjugale — choisir à ce point pour en parler le temps, le mode et l’usage.
Elle a compris avec le temps que celui d’être est essentiel. Alors trouver sa place nécessite un certain espace ou recul. Regarder, éprouver l’espace, les bruits. Saisir avec lenteur le lieu puis le retenir dans ce qui est son contraire : la photo, « l’instant précipité ». Celui qui tient à une fraction de seconde. Celle de la décision même si dehors rien ne change et si, pour quelqu’un d’autre, une telle photo semble sans objet.
Prendre ce temps creux, saisir une chose aussi simple qu’une chaise – « l’objet anthropomorphique qui révèle l’action de l’inaction » — ou les murs qui la contiennent. Pour cela, il faut un corps dont l’esprit s’échappe et reste libre. Bref, il faut qu’il soit aussi incertain qu’irréductible. Pour être aussi proche de soi que de sa chaise puisque nul n’est jamais aussi proche de soi que sa chaise. A partir de là, il est possible d’écrire, photographier le tout qui est rien. Voire de vivre.
jean-paul gavard-perret
Pauline Sauveur, Chez Elle, Littérature Mineures, Rouen, 2017 — 8,00 €.
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