Cyrus Mahboubian : lieux du sujet
Pour Cyrus Mahboubian, il n’existe pas d’images accomplies, arrêtées propres à satisfaire d’emblée le regard. L’Anglais procède non par un gonflement par accumulation mais par une forme de réduction pour faire jaillir de la précarité du quotidien banal une poésie. Il rappelle ainsi que la photographie est toujours une recherche de la vie.
Mais ce n’est pas simple et cela contraint de naviguer en eaux troubles — même dans la clarté d’une piscine. La femme est souvent objet d’un culte érotique où l’artiste plus que son « modèle » est en position de victime d’un genre très particulier qui répond à l’injonction de Baudelaire : « Je suis la plaie et le couteau / Et la victime et le bourreau ».
« Remontant » le réel de manière souvent minimaliste, Cyrus Mahboubian garde un rôle aussi ambigu qu’astucieux : il n’est pas sans lever des ambiguïtés tout en en laissant d’autres fermées. Chaque photographie semble une approche, une attente. Ajoutons que l’œuvre ne tient pas du simple aveu et du déboutonnage de l’intime. Voir devient un mélange du su et de l’insu. Tout le travail l’artiste tient donc dans cette traque de l’intervalle, de l’entre, ou tout se joue entre l’artiste et son sujet – femme ou paysage.
La photographie ne contribue plus à engendrer du fantasme ou à distribuer de la nostalgie. Elle demeure en amont de la perception et de la remémoration. S’inscrit non une errance mais une expérience là où quelque chose vibre et soulève afin de retrouver en nous l’image la plus naïve, la plus sourde : celle qui n’ajoute rien mais ne retranche pas plus. Au contraire.
jean-paul gavard-perret
Cyrus Mahboubian, Murmur, commissaire de l’exposition : Alison Bignon, Galerie Nivet Carzon, Paris, 13 – 17 avril 2016.