Les petites pestes de Violette Sagols accordent leur lumière au monde. Une lumière et non un éclairage. Ces innocentes (enfin presque) et tentatrices, l’artiste les fait jouer entre ellipse et énoncé. Le tout en restant dans le rieur, le faussement naïf. Et ce sont soudain deux mondes qui se croisent et ne se chevauchent pas. Au chagrin d’adulte fait place un plaisir adolescent presque prépubère, à la limite de ce qu’une modernité morale peut supporter, accepter. Le voyeur est pris là où l’énigme du monde reste en ses états naissants.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Une foule de menues choses, les projets en cours, les oiseaux, la pluie, voir mes enfants…
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je ne rêvais pas beaucoup contrairement à ce qu’on disait de moi : j’étais contemplative, tellement captivée par le présent que j’avais l’air absente parfois. Et je n’aurais jamais rêvé enfant recevoir autant que ce que j’ai aujourd’hui, autant dire que tout est une heureuse surprise et que la réalité dépasse mes rêve d’enfant.
A quoi avez-vous renoncé ?
A rien.
D’où venez-vous ?
De nulle part, je traverse.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Beaucoup d’amour et le rire facile
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
L’instant jubilatoire au moment d’aller se coucher pour n’en citer qu’un…. Mais quand même aussi, se jeter dans la mer quand elle est chaude. Et aussi marcher dans les feuilles mortes. Et sentir le lilas au printemps. Et les giroflées. Et les jacinthes. Bon, toutes les fleurs. En ribambelle, la respiration de l’Homme près de moi, me balader à bicyclette dans le vent tiède (j’aurais pu dire à vélo, mais on roule moins vite à bicyclette il me semble) , la nuit très noire et le chant des grillons, le lit douillet et le ressac en fond sonore, il y a mille plaisirs quotidiens.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes et poètes ?
Je ne suis pas l’ autre, et inversement, ça nous distingue déjà forcément beaucoup.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une grande et belle photo de ma mère à vingt ans, en noir et blanc, faite par un photographe dans les années cinquante, où elle ne ressemblait pas à ma mère puisque je suis née plus tard et ne l’avais jamais connue comme ça. C’était l’idée du temps qui passe, des choses et des gens qui changent, évoluent dans une continuité, et le fait d’arriver dans cette continuité, pour continuer moi même (en substance c’est l’idée qu’évoquait cette image).
Et votre première lecture ?
Surtout le souvenir d’avoir appris à lire. Ce que ça fait de réaliser qu’on lit. J’ânonnais des syllabes : ré-mi-bê-che-son-pe-tit-jar-din. Et tout d’un coup j’ai compris, éblouie, que Rémi bêchait son petit jardin !!!!! Et je savais ce que ça voulait dire : j’allais pouvoir tout lire! Et j’ai donc passé un mois à fatiguer mon entourage à déchiffrer “Amora, cornichons au vinaigre blanc”, “Persavon, le pur savon de Marseille”, bref, tout ce qui tombait sous mes yeux. Sinon, des livres de conte, dont un “Chevalier aux bas rayés” que me lisait ma mère qui, pour une raison obscure, portait pourtant des collants unis, et qui s’est transformé miraculeusement quand j’ai su lire, en “Chevalier au barillet” m’éclairant enfin sur le mystère des collants.
Pourquoi votre attirance vers les petites “pestes” timides et effrontées ?
Elles sont pour moi l’expression la plus proche de cet âge ingénu, cruel, inconscient, d’exploration des autres et de soi, où on prend confusément la mesure de son attirance et de sa peur. La ligne ténue, effleurée, jamais franchie, de ce qui est donné à plaire, sans sembler rien faire pour ça, qui est exacerbée à l’âge des “pestes” parce qu’elle est frappée d’interdit et de danger de part et d’autre, mais aussi du besoin impératif de le transgresser.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Un morceau en boucle jusqu’à usure des sensations, pourvu que ce morceau, cette voix, cet arrangement me touche. Pour le piano, je préfère les romantiques, pour le chant les polyphonies, pour chanter moi-même le gospel et le registre cubain.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
En ce moment “La faim du tigre” de Barjavel.
Quel film vous fait pleurer ?
“Le choix de Sophie”.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Ah. Métaphoriquement, quelqu’un qui avance en faisant des choix de priorité en fonction des évènements. Sinon, une surface à dessiner (redessiner ?)
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A personne.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
C’est Venise. “Boaaah Venise, pas très original”. Quoiquoiquoi ? Mais la richesse des peintures, sculptures, bas-reliefs, fresques, plafonds, moulures, jardins, et la ville même, si mystérieuse dans le brouillard, labyrinthique, familière, étrangère, différente chaque jour, à chaque saison, avec ses apparitions, sa musique dans les palais, ses chats au bord des puits, le carnaval, il n’y a pas d’autre ville au monde comme Venise, un peu fragile sur ses vieux pilotis… une exquise vieille dame.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je suis subjuguée par des gens dont le talent est hors de ma compréhension mais suscite des émotions ou des réflexions. Donc, ceux dont je sens les plus proches sont ceux qui me sont les plus éloignés. Barcelo, Irvin, Zola, Hokusai, Kusama, Viola, Puccini, Sorin, Caubère …
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Plein d’amour et de Faber Castel !!
Que défendez-vous ?
Etre au plus proche, au plus vrai de soi, ce qui est déjà un gros boulot.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Comme ça, hors contexte, ça n’a pas de sens, ça ne va nulle part, et ça ressemble à un dessin de Escher. Ca a l’air un peu consternant au premier abord, mais pour Lacan c’est dire et donner à l’autre son manque (ce qu’il traduit par donner “quelque chose qu’on n’a pas”) à quelqu’un qui n’a rien demandé (ce qu’il traduit par “qui n’en veut pas”). C’est bien possible, mais même si c’est le paramètre incontournable, ce qui compte beaucoup, c’est ce qui se passe après, et ça il n’en parle pas… comme dans les contes de fées…
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Hahaha !!!
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
C’est vous l’expert
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 6 février 2016.
Cette artiste ira loin !!!!
Je dirais même qu’elle est déjà très loin…
Et que c’est une grande ARTISTE <3
Normal !!fière de ma cousinette
son trait fin et décidé est un poème