Coco Texedre, L’encyclopédie de la ménagère de plus de 50 ans

Les arts-ménagers de Coco Texedre

Coco Texedre porte aux nues un livre de che­vet qui appa­rem­ment lui sied mal. A savoir le  Larousse ména­ger illus­tré de 1926. Ce livre qui était fait en grande par­tie pour rete­nir les petits maris (même si à l’époque le divorce était presque une vue de l’esprit puisque la femme était pieds et poings liés à son sei­gneur et maître), l’artiste — on s’en doute — ne s’en sert pas comme manuel de bonne conduite. Le contraire même. Comme Chris­tiane Tau­bira, l’artiste n’a ni chef ni d’yeux pour lui. L’objet-livre (l’inverse d’un livre-objet) devient un moyen de revi­si­ter non seule­ment les mœurs mais l’art et l’histoire de la sexua­lité. Là où Fou­cault met­tait du dis­cours, du logos l’artiste uti­lise l’image comme prin­cipe fon­da­men­tal de dis­so­cia­tion contre le bien pen­ser.
Ses planches inédites et ses inter­ven­tions brouillent les pistes – et c’est un euphé­misme. L’avènement de la femme comme de l’artiste est trans­formé en une affir­ma­tion anti-sécuritaire pour le mâle. Comme l’écrit Laurent Gri­son : « le livre est aussi et sur­tout une Ency­clo­pé­die de l’artiste de plus de 50 ans ». Les frag­ments et les inter­ven­tions de l’artiste offrent une sagesse par coups de délires. Chaque page est extra-ordinaire : y coule un par­fum de rêve et de magie.

La mai­son de l’être fémi­nin est bour­rée d’exercices qui n’ont plus rien à voir avec celui du Larousse. La créa­trice déplume l’original comme s’il s’agissait d’une pou­larde. Elle la far­cit de tra­vaux par­fois ouver­te­ment éro­tiques. Sur­git un réagen­ce­ment des don­nées immé­diates de la société et de la conscience que celle-ci se fait des femmes. Les règles, remèdes, conseils de Coco Texedre deviennent par­fois un jour­nal intime d’aveux qui n’ont rien de super­fé­ta­toires.
La femme n’est plus la dému­nie, la ravie à la crèche offerte. Les bijoux du mâle, elle les ravit. Sa pro­priété, c’est l’homme. La pro­preté et la bonne tenue du foyer sont les der­niers de ses sou­cis. L’homme y prend de sacrés râteaux d’autant que son épouse sup­po­sée se délecte de l’Eros dont les scènes l’excitent.

Il reste ça et là du macramé mais il est cramé par l’iconoclaste. Et il n’est pas jusqu’à la mani­fes­ta­tion de la nudité qui prend un grain et un genre par­ti­cu­liers. Le phal­lus est vam­pi­risé selon diverses tech­niques dont la sim­pli­cité jouxte l’audace. L’image tend à se libé­rer des formes mêmes si ces der­nières trouvent de nou­velles audaces. L’artiste la dégage du temps passé par ses re-matérialisations intem­pes­tives selon un dis­po­si­tif qui per­met d’englober autant le motif de jadis que le tra­vail aujourd’hui.
Le ménage n’est plus fan­tasme et pas­sage obli­gés : il déménage.

jean-paul gavard-perret

Coco Texedre, L’encyclopédie de la ména­gère de plus de 50 ans, Edi­tions du Livre d’Artiste, Pré­face de Laurent Gri­son, Post­face de Gil­bert Las­cault,  2016 — 150,00 €.

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