Le Bataclan et les fous de dieu
La tuerie du Bataclan inspire la nausée (euphémisme), l’exaspération et l’horreur. Mais le rock doit survivre pour retourner le feu contre le feu et faire la nique des esprits dérangés aux mains des théolochiens (ce qui n’est pas gentil pour les canins). Les zélotes adorateurs d’un improbable dieu (dans le cas contraire, il doit se retourner sur son nuage) ont voulu ouvrir lâchement le ventre de ceux qui étaient venus se laver la tête de leurs rodomontades. Mais des entrailles des assassinés, de leurs blessures ouvertes surgit la musique tordue et ardente qui refuse les chants religieux.
La terre d’où est sortie le rock est la mère de ceux qui vomissent à coup de musique charnelle l’idée infantilisante de Père des cieux. Toutes les Kalachnikov ne feront pas taire les guitares électriques. Face à la bêtise des inquisiteurs du bras armé du jugement de dieu, nous en appellerons toujours aux glossolalies imparfaites du rock confronté aux « syllabes parfaites » de livres — plus inventés que révélés par d’autres fous de dieu - qui sèment le chaos au nom d’une pitoyable Genèse. Le rocker, lui, ne croit en rien et surtout pas à d’antiques contes mastiqués par une énorme bouche d’ombre épouvantablement refoulée.
Face à la folie de dieu, le rock restera une réplique. Il sait qu’il ne pourra jamais être entendu par les envoûtés. Raison de plus pour la faire exister. Il scande la nécessaire invective face à l’abjection et la lâcheté. Il rappelle que les portes du paradis n’existent pas : on ne va jamais que nulle part que là où l’on est. Rêver d’un monde perdu n’est que l’appel du néant. Le problème reste que, prétendant quitter l’ici pour fondre dans l’ailleurs, les barjots de dieu font couler le sang de leurs sacrifiés.
Face aux monstres, le seul “poison” reste les hymnes sauvages et sourds du rock. Les malade mentaux d’une croyance dévoyée — sur lesquels aucune civilisation n’a d’emprise - ne peuvent le supporter. Faut-il toute la méchanceté du monde pour, comme écrivait Artaud, “quitter le faux esprit et atteindre le vrai corps” ? Le rock en n’a pas besoin. En lui, la méchanceté n’est qu’une catharsis : elle n’accouche du “mal” qu’à coup de langue et de jeu.
jean-paul gavard-perret
L’énergie du rock, l’exaltation du corps, c’est son identité. C’est la vie.
Très bien vu ! Merci de l’avoir dit pour moi !
Lili