Le temps passe si bien que tout doit disparaître. Cela n’empêche pas l’espoir et un romantisme minimal. Tout l’art de Xavier entre dans cette quadrature de “cercles concentriques à doubles centres”. Chaque être y demeure prisonnier de ses déconvenues. Il a pleuré et déchanté mais il a aussi aimé et chanté. A l’abri de l’amour — toujours provisoire mais tout compte fait, c’est son prix — il espère encore un sursis au sein de la désespérance du monde et de l’histoire.
Rejetant tout aspect anecdotique, le poème prouve que vivre revient à ne jamais déposer les armes tant que l’amour est là ou que son souvenir perdure Contre l’irréparable outrage du temps, vouloir tuer celle qui sauva et atteindre un nirvana de l’Un n’est qu’une vue de l’esprit par trop belle impasse sur le corps.
Reste en bout de course l’incomparable et inspirée veille qui empêche de sombrer. Néanmoins, une telle attente para-temporelle est vaine à qui oublie celle sans qui la vallée de larmes ne serait jamais éclairée de beaux éclairs de lune. Elle seule fait oublier ce qui apparait dans “‘irréparable en filigrane. François Xavier refuse cette vision ostentatoire et frontale car c’est un peu comme si le monde se regardait dans un miroir qui ne se ressemblait pas. Qu’importe donc si l’amour est sans issue et induit finalement la montée de la souffrance.
A travers le corps demeure la pensée impossible, la “triviale espérance”. La chair aimée efface toute réalité : “nous jaillissons dans notre invisibilité” écrit le poète. Celle-ci reste le symbole de la mort comme de la vie, de l’effacement et de la perduration puisque, jusque dans la disparition, le temps prend du temps et imprime aux ombres une présence. Preuve que l’amour laisse une trace unique, inaliénable et que jusque dans sa bestialité la métaphysique n’est jamais loin.
jean-paul gavard-perret
François Xavier, L’Irréparable, Jean-Pierre Huguet éditeur, St Julie Molin Molette, 2014, 80 p. — 12,00 € .