Au croisement de l’histoire et de l’actualité…
Les conflits ont toujours été d’actualité, quelle que soit l’époque. Mais, dans l’Histoire, peu de périodes ont été aussi marquées que ce XXe siècle par les conséquences sur le futur et la géopolitique. Cet ouvrage, sous la direction d’Emmanuel Hecht et Pierre Servent, recense et présente les vingt conflits qui, entre 1914 et 2014, ont eu une incidence plus que marquante sur la physionomie du monde.
Chaque guerre, retenue par les anthologistes, fait l’objet d’un chapitre où un auteur rappelle les causes et les racines du conflit, les principales étapes, puis les conséquences immédiates et induites. Ces chapitres sont rédigés par des historiens de renom et des grands reporters de l’Express, spécialistes de ces sujets, souvent témoins des récents conflits qu’ils rapportent.
Le premier chapitre est relatif, bien sûr, à la Grande Guerre avec, à la plume, Jean-Yves Le Naour, le spécialiste non conformiste de ce conflit. En un texte d’une grande et synthétique érudition, il met en lumière l’inéluctabilité et le choix, assumé sciemment, de la guerre. Les experts de l’époque, comme les gouvernants, voient dans un affrontement court, brutal, le moyen d’en finir avec le climat de peur qui caractérise la période 1911/1914. Quand cesserons-nous de donner la parole à ces experts autoproclamés dont les seules capacités d’analyse sont fondées sur le culot et l’aplomb pour dire n’importe quoi ? L’historien éclaire aussi la terrible évolution du conflit et des moyens techniques mis en œuvre.
Les chapitres suivants, outre celui relatif à la Seconde Guerre mondiale, portent sur des conflits plus circonscrits, mais qui ont sonné le glas d’une époque comme les guerres coloniales, les guerres civiles, des combats aujourd’hui presque oubliés mais qui ont pesé sur l’évolution du siècle.
L’ouvrage comporte toutes les expéditions où la France a été en première ligne avec les guerres d’Indochine, d’Algérie jusqu’à celle, toute récente, si récente qu’elle continue de plus belle : l’engagement au Mali. Puis, les anthologistes présentent les conflits importants en durée et en victimes comme la guerre civile de Russie, celle d’Espagne, la guerre Iran/Irak, les interventions au Vietnam, en Afghanistan, tant par la Russie que par les USA, la guerre sino-japonaise entre 1937 et 1945… Ils évoquent les conflits récents comme la guerre d’Irak, celle de Lybie et celle, déjà citée du Mali.
Si le siècle écoulé a été riche en conflits, il l’a été bien plus en victimes. Finis les champs clos où des armées s’affrontaient entre elles ! Les civils sont devenus la cible de la guerre avec la pérennité de la violence. Si l’armement a effroyablement évolué, on n’exclut pas les moyens plus humains comme le viol, devenu une arme en tant que telle.
Parcourir cet ouvrage permet une remise en mémoire de l’Histoire moderne, un regard sur une actualité récente et rappelle, par les fondements de ces guerres, la volonté de puissance et de richesse de quelques-uns. On mesure l’importance, le poids de la finance qui, en sous-main, orchestre ces tueries pour accroître les profits d’une minorité qui n’hésite pas à sacrifier des populations. Cet opus est superbement illustré par vingt-six cartes qui permettent de mieux fixer les idées et de donner une réalité territoriale à ces conflits et aux forces en présence. Il est complété, également, par un travail bibliographique de qualité avec, pour chaque chapitre, une bibliographie sélective ; pour l’ensemble, une chronologie relative aux conflits cités.
Associant histoire et actualité, ce livre remarquable donne des clés pour mieux comprendre notre monde d’aujourd’hui, à travers ces guerres qui ont construit et façonnée le quotidien dans lequel nous évoluons.
serge perraud
Emmanuel Hecht & Pierre Servent (Direction de l’ouvrage), Le Siècle de sang 1914–2014 : Les vingt guerres qui ont changé le monde, Perrin et l’Express, mai 2014, 400 p. – 22,00 €.
“Le siècle de sang” restera un fil conducteur pour aborder et comprendre les conflits du 20ème siècle.
Seul le chapitre 16 relative à la guerre en Yougoslavie fait preuve d’une partialité inacceptable, rendant incompréhensible la compréhension de l’ensemble de cette situation largement héritée de l’histoire.