Colette, Un bien grand amour, lettres à Musidora, 1908–1953

Irre­sis­tible Colette

La cor­res­pon­dance de Colette adres­sée à Musi­dora est ici édi­tée pour la pre­mière fois, par les soins de Gérard Bonal qui l’a pré­fa­cée et qui y a ajouté quelques textes utiles pour pré­ci­ser les cir­cons­tances de cette ami­tié. L’actrice, qui admi­rait la roman­cière, l’a connue avant de deve­nir à son tour une célé­brité ; de seize ans plus jeune que Colette, elle lui ins­pire une affec­tion pro­tec­trice que résume élo­quem­ment le mot “mèra­mie“.
Au fil des lettres, le lec­teur (re)visite des étapes impor­tantes de la vie des cor­res­pon­dantes, impli­quant maintes épreuves, dont celles des deux Guerres mon­diales. Colette s’y montre à la fois brillante épis­to­lière, pleine d’humour et d’un cou­rage pla­cide qui res­sort par­ti­cu­liè­re­ment bien lorsqu’elle raconte com­ment des éclats d’obus pleu­vaient à trois mètres d’elle, ou qu’elle évoque lapi­dai­re­ment telles pri­va­tions subies au quo­ti­dien. Une autre qua­lité de la roman­cière retient l’attention tout au long de la lec­ture : la géné­ro­sité qui la porte à se pré­oc­cu­per constam­ment non seule­ment de Musi­dora (dont la vie pri­vée semble avoir été mal­heu­reuse la plu­part du temps, et dont la car­rière a vite décliné, la lais­sant dans une situa­tion maté­rielle lamen­table), mais aussi d’une kyrielle de connais­sances, dont ce couple de jeunes comé­diens néces­si­teux, le mari de dix-neuf ans et la femme de vingt-quatre, pour­vus d’un bébé, que Colette héberge et pour les­quels elle orga­nise une col­lecte de fonds jusque auprès de ses amis qui ne les ont jamais croisés !

La tour­nure d’esprit inimi­table de Colette réserve au lec­teur maints pas­sages d’aperçus et même de conseils pra­tiques, qui donnent l’impression de la côtoyer. Ainsi, nous appre­nons (p. 58) que “cette nuit, il est entré un chat noir qui a fait plouf ! sur mon ventre. Il y est resté, et depuis, il a adopté la mai­son“ située rue Cor­tam­bert (Paris, 16ème), déjà peu­plée d’amies. Ou bien, consigne à ne pas négli­ger, l’excellente ména­gère qu’était l’écrivain à ses moments per­dus nous avise de la bonne façon de soi­gner les rideaux : “Quand les rideaux ne sont pas en laine, la sus­pen­sion ver­ti­cale, der­rière des volets clos, est le meilleur moyen de conser­ver la soie ou le fil. Dépen­dus et pliés, ils se coupent.“ (p. 75). Le volume regorge de pas­sages irré­sis­tibles de telles et telles autres sortes, qui réga­le­ront les ama­teurs. En outre, l’édition séduit par la qua­lité du papier, de la typo­gra­phie et des illus­tra­tions – peu nom­breuses mais de choix. On ne regrette qu’une seule chose : la briè­veté rela­tive de cette cor­res­pon­dance qu’on aurait sou­hai­tée beau­coup plus ample.

agathe de lastyns

Colette, Un bien grand amour, lettres à Musi­dora, 1908–1953, L’Herne, avril 2014, 224 p. – 15,00 €

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