Il faisait beau ce 24 octobre 1929, à New York. L’Histoire définit ce jour comme le Jeudi Noir, le Krack boursier aux conséquences mondiales. Mais cette catastrophe financière n’est pas arrivée aussi brutalement. Des signes annonciateurs, que personne ne voulait voir, apparaissaient. Mais c’est ce jour-là que tout s’est emballé, que des fortunes ont fondu, voire disparu. L’effondrement des cours va se produire dès le mercredi et continuer jusqu’au mardi 29 octobre. Et, comme un tsunami, les vagues fatales se sont propagées sur les économies.
En Europe, ce qui est frappant, c’est la désinvolture avec laquelle les boursicoteurs prennent la chose. Mais ce sont l’Allemagne et l’Angleterre qui vont être les premières à souffrir. La première, parce que les USA ont besoin de rapatrier les capitaux engagés dans le pays, capitaux indisponibles sans dommages. La seconde, parce que puissance commerciale, elle est frappée durement par la fermeture des marchés. La France, de par son organisation économique, va résister quelques temps avant d’être emportée à son tour. Et c’est elle qui mettra le plus de temps à remonter la pente parmi les pays industrialisés.
L’historien décline la chronologie des faits, les acteurs plus ou moins heureux de l’époque, les mesures prises pour pallier les effets dévastateurs. C’est l’explosion du chômage, la pauvreté, la production au ralenti. Il raconte les effets de cette grande dépression, puis les conséquences induites. Par exemple, la perte colossale pour la France, les indemnités de guerre que doit payer l’Allemagne. Il faut se souvenir que la quasi-totalité des combats, donc des destructions ont eu lieu sur le territoire français pendant la Première Guerre mondiale. L’Angleterre, pour son commerce, a besoin de l’Allemagne et va tout faire pour diminuer drastiquement le montant de la dette allemande.
C’est l’arrivée d’Hitler au pouvoir le 30 janvier 1933 et le réarmement de l’Allemagne, la promesse de reconquête des Sudètes, de l’Autriche… Les expansionnistes japonais envahissent le Mandchourie. L’Italie, sous la férule de Mussolini, lance la conquête de l’Éthiopie… La SDN (Société des Nations) est impuissante face à ce déferlement, elle agonise comme agonise aujourd’hui l’ONU. En URSS, sous la cravache de Staline, les effets de la collectivisation se font sentir. C’est un échec qui va déboucher sur la famine rouge. Le dictateur veut continuer à exporter des céréales pour faire rentrer des devises mais la production s’effondre. Il prendre des mesures qui vont condamner à mort des dizaines de millions d’humains.
Toutes les ambitions pacifistes des années 1920 se heurtent à cette frénésie d’envahissements. Tout est prêt pour un nouvel embrasement.
Dans ce nouveau volume de sa colossale fresque du XXe siècle, Jean-Yves Le Naour étudie ces six années cruciales, en brosse un panorama exhaustif. Comme à son habitude, il a mené un travail documentaire prodigieux. Il livre des explications, donne les positions des acteurs politiques et économiques de cette époque, dans toutes les grandes puissances. Il détaille, puise aux meilleures sources pour exposer les faits d’une façon claire. Il est, sans conteste, un des meilleurs historiens de notre époque, sachant présenter de manière adéquate, lisible, accessible, le passé. La lecture de ce livre est aussi attrayante que celle d’un thriller.
Cet ouvrage est à lire absolument pour éviter que, pendant la décennie des années 2020, les mêmes erreurs se reproduisent.
serge perraud
Jean-Yves Le Naour, 1929 1935 — La crise, Éditions Perrin, mai 2024, 400 p. — 25,00 €.