
Private eyes, Selected artwork from the Kinsey Institute collection (exposition)
Rapport Kinsey – suite iconographique
Alfred Kinsey fut le premier chercheur à dresser une cartographie raisonnée des comportements sexuels d’une population : à savoir ceux des Américains dans la fin des années 30 et au début des années 40 du siècle dernier. Le fameux rapport qui porte son nom fut d’ailleurs un best-seller mondial. Le professeur de l’Université d’Indiana, pour illustrer ses analyses, a collationné un monceau de documents iconographiques sur la sexualité. A côté d’œuvres d’art de maîtres incontestés, il compila des documents anonymes des plus significatifs. Ils sont riches toutefois de bien des significations souvent cachées à l’époque. Le LGBT y trouve des sources iconographiques.
Rebecca Fasman, consultante au Kinsey Institute, présente pour l’exposition dessins, peintures, sculptures parfois drôles et souvent transgressives. Ces œuvres subversives (à l’époque) sont une mise en évidence de bien des tabous. Elles sont significatives de l’idéologie d’un temps où de telles images ne pouvaient avoir droit de cité voire d’exister. Par exemple, le diagramme intitulé A Guide to the Administration of a Cane se veut la monstration des diverses zones de désir chez la femme. Un triptyque montre la transformation progressive d’un homme en femme. Certaines images semblent aujourd’hui des standards de représentation mais à l’époque elles étaient si choquantes qu’il était impossible de les montrer. Le « Rapport Kinsey » lui-même se garda bien de les proposer : il aurait été immédiatement censuré.
L’ensemble, comme le précise Rebecca Fasman, sent encore l’enfer et le souffre. Des pénétrations zoophiles sont par exemple présentées. A l’époque de leur création, les « artistes » qui se permettaient de telles « fantaisies » (même pour leur seul usage privatif) et si la police pénétraient chez eux pouvaient être arrêtés et condamnés. Les temps ont bien changé : désormais les « sex-tapes » peuvent être tournées chez soi et diffusées sur la toile en toute quiétude. De plus, les œuvres de « Private Eyes » permettent de comprendre ce qui se cachait derrière leurs auteurs anonymes : misères et frustrations sexuelles sont souvent sous-jacentes. Surgissent des désirs impossibles, des fantasmes visualisés de manière surprenante mais souvent empreints de beauté.
jean-paul gavard-perret
« Private eyes , Selected artwork from the Kinsey Institute collection”, INTUIT Chicago, 12 août – 2 octobre 2016.